Docteur...

3 juillet 2007

J’éprouve ce matin le besoin de vous confier ces quelques mots.
Le 2 juillet 1957, vous quittiez cette terre. Votre haute silhouette dont, malgré mon bien jeune âge, je suivais moi aussi les ultimes combats, s’en allait, laissant à chacun d’entre nous le soin d’en conserver le plus longtemps possible le sens profond et l’historique portée.
J’avais 11 ans. Je me rappelle du surlendemain matin : l’école de la rue Sadi Carnot au Port, la classe de 6ème, la séance de dictée. Et notre maîtresse - Melle Fruteau - arrivée dans mon dos pour constater que, ne l’écoutant pas, ne l’écoutant plus, je dessinais avec mon crayon noir votre visage à partir d’une petite photo sans doute reprise dans le numéro de “Témoignages” du jour. J’eus droit à une gentille réprimande, pleine du respect qu’elle vous devait sans doute, après que je me fus auprès d’elle justifié.
A la maison, mon père parlait souvent de vous, et notamment des élections d’octobre 1945 à Trois-Bassins et partout dans l’île, la voie alors ouverte pour que cessent les retards de la colonie et pour que nous vienne un peu de mieux-être. J’écoutais. Je m’efforçais de comprendre et, dans mon inconscient de gosse de quartier pauvre, de me projeter dans cet avenir que vous aviez consacré votre vie à nous préparer. Eugène Rousse en parle ici même depuis hier. Chantal Langenier en a dit beaucoup dans un énorme bouquin, paru il y a quelques années.
Je voudrais ce matin vous confier que j’aime bien inviter ceux qui me font l’amitié d’une visite à méditer et à s’approprier cette belle phrase de vous que j’ai placée dans mon bureau : « Le roc de notre patrimoine, avez-vous dit un jour, est taillé dans cette multitude de vertus obscures qui n’ont pas besoin pour s’épanouir de l’appât de récompenses et constituent le plus solide garant de notre redressement... ».
En notre époque de démocratie trop souvent ramenée à la recherche d’une fonction élective grassement indemnisée sur décrets de la République, en notre époque où, conséquence alors des plus logiques, le peuple s’abstient massivement pendant que certains se battent pour occuper un de ces postes rétribués, votre phrase, Docteur, mérite qu’on la réactive, qu’on en fasse une doctrine, certes adaptée aux impératifs de notre temps, mais qui rassemblerait toujours les hommes et les femmes soucieux de perpétuer votre vision du combat politique.
Et puis, Docteur, vous nous avez laissé un journal. Un journal dont le rôle a été de premier plan dans les luttes passées. À l’heure de l’Internet, à l’heure aussi des combats bien avancés et largement gagnés pour l’Egalité, ce fruit de vos engagements d’antan doit sans doute lui aussi coller aux réalités de notre modernité. N’appartient-il pas à ceux qui se réclament de votre pensée, parce qu’elle est plus que jamais d’importance, d’imaginer comment consolider ce “témoignages” quotidien de nos problèmes et de nos espérances et en faire pour l’Alliance d’aujourd’hui ce que vous aviez fait pour le CRADS d’hier ?
Voilà, Docteur, ce que je voulais vous dire ce matin lorsque je me demandais comment assurer nous aussi notre part dans le redressement de notre patrimoine à tous et cultiver ces vertus obscures qui en seront le plus solide garant si elles n’ont pas besoin pour s’épanouir de l’appât de récompenses...

Raymond Lauret


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