Du bonheur des oiseaux qui piaillent de joie...

5 juillet 2007

Il est dans Saint-Denis un coin. Un espace, devrais-je dire. Un grand espace fait de tranquille concentration, où le visiteur, naturellement, s’oblige à écouter pour entendre. Un lieu où les arbres centenaires jouent avec la petite brise de chaque instant à remplir de bonheur les oiseaux qui ne nous cachent pas qu’ils y sont bien heureux.
C’est tout en haut de la rue de Paris, peu avant le Jardin de l’Etat, à droite en montant. Le maître des lieux est un homme que l’on dit simple et cultivé et dont je ne suis pas le seul à avoir un jour écrit que sa garde-robe, si elle le laisse sans doute indifférent, doit sembler bien curieuse à plus d’un qui tomberait devant : à l’exception d’un ou de deux sobres costumes, la tenue est unique, reproduite en plusieurs exemplaires, à côté, je n’ai pas à en douter, d’une ou de deux soutanes.
C’est de là, l’œil vif, le propos toujours bien à propos, la plume agile comme un corps de gymnaste au sommet de son art, le verbe accrocheur, parfois malicieux, toujours porteur de l’attente par l’autre recherchée, c’est de là, au milieu de ce beau jardin qui abrite les locaux de l’Évêché, que Gilbert Aubry veille à la bonne marche de tout ce qui fait le mouvement de l’Église de La Réunion.
L’autre vendredi, j’avais bien entendu répondu à l’invitation que Idriss Omarjee et Catherine Payet du Cabinet de la Région, m’avaient demandé d’honorer, à l’occasion du départ à la retraite du directeur de l’enseignement catholique sur l’île. Je n’allais pas refuser le plaisir de déambuler quelques instants dans ce parc de rêve, lorsque tombe la nuit !
Ce soir-là, il n’eut pas que le lieu, ses oiseaux qui piaillent de joie dans des arbres centenaires et ses bâtisses de charme. Ce soir-là, il y avait aussi une cérémonie toute simple et dont, à bien des égards, nous devrions nous inspirer : des invités et des hôtes soucieux de la politesse des rois, un ordonnancement tranquille des prises de paroles, des discours qu’on écoute comme ils se déroulent avec leur plein d’émotions et de détails qui disent bien qu’ils s’adressent à un homme. Un homme donc, un homme aussi, un homme tout simplement et pour lequel répondre à tant de gentillesses venues du cœur de collaborateurs et amis expose à voir des larmes se mêler à sa voix pour trahir bien mieux que les mots du discours le sentiment que sa vie est déjà bien remplie. Et que c’est là une belle chance.
Ce soir-là donc, un homme quitte ses fonctions de directeur de l’Enseignement catholique. J’écoute André Rojat se rappeler les instants forts de son engagement. Et j’entends qu’il est né à Saint-Paul... Tiens ! J’ose me souvenir de la cour de l’École de la rue Sadi Carnot au Port et de nos jeux pendant la récréation. Cette silhouette, je le sens malgré qu’elle a pris de l’âge, ne m’est pas totalement inconnue. Et si ?! Mais oui, c’est lui. C’est lui, le Saint-Paulois qui venait au « Cours complémentaires » du Port.
André Rojat, quelques instants après, me confiera qu’il s’est lui aussi posé la même question quand on lui avait montré, je l’imagine, la liste des invités de Monseigneur Aubry. C’est dans la cité maritime qu’il a connu ses seconds maîtres d’école et donc croisé quelques-uns des collégiens d’alors qui ont suivi leurs voies.
Que cinquante ans après je le retrouve au moment où il s’apprête à quitter l’île pour vivre ailleurs une retraite méritée relève d’un petit miracle. Que cela ait eu pour cadre ce grand espace où « le visiteur s’oblige à écouter pour entendre » au milieu d’arbres centenaires où les oiseaux se sentent heureux, voilà qui me suffit pour apprécier ce qui appartient à la divine providence.

Raymond Lauret


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