Éducation nationale : Bato Fou et Grand Corps Malade…

23 août 2011

À l’heure de sa cinquième rentrée scolaire sous le régime sarkozyste, le système éducatif français, et bien plus encore l’école de La Réunion, offrent le spectacle poignant d’un véritable ’bato fou’.

Coupes drastiques dans le budget, suppressions de postes par dizaines de milliers, augmentation des effectifs des classes, disparition d’écoles dans les zones rurales, réformes catastrophiques des recrutements et de la formation des personnels, généralisation du Bac pro en 3 ans (au lieu de quatre) qui n’avait d’autre visée que de justifier la disparition des postes correspondants, réorganisation incohérente du baccalauréat technologique, notamment dans les voies industrielles qui se trouvent unifiées (à vrai dire compressées, voire écrasées) sous le fallacieux intitulé de "Sciences et Technologies de l’Industrie et du Développement Durable" (on échappe de justesse au raton laveur !...) : on chercherait vainement, dans l’accumulation des mesures imposées tambour battant ces dernières années par Xavier Darcos puis Luc Chatel, la moindre lueur progressiste, le plus petit signe d’intérêt (ne parlons plus de respect) envers une institution qui a tenu un rôle de premier plan dans la construction de notre société républicaine.

Certes les pouvoirs de droite, bien avant Sarkozy, avaient régulièrement lancé contre l’école la meute des réformes malthusiennes, des coupes budgétaires, des fausses innovations qui au prétexte de démocratiser l’école envoyaient dans le mur des générations entières d’enfants issus des milieux populaires ou de l’immigration. Mais, s’agissant des Régions d’outre-mer, le retard était si abyssal que pour chacune des académies concernées la tendance était systématiquement restée, bon an, mal an, à l’accroissement, et au pire au maintien de l’effort consenti au titre du sacro-saint « rattrapage » : en attestent tous les tableaux statistiques concernant les créations de postes, les taux d’encadrement, le nombre de classes et d’établissements, les taux de réussite aux examens depuis 1984, année de la création de l’Académie de La Réunion. La grande innovation sarkozyenne a été de franchir le pas, non pas en catimini mais haut et fort, avec l’insolence de ruffian qui caractérise l’actuel ministre de l’Éducation nationale (auréolé par son passé de salarié de choc chez Mme Bettencourt) : c’était pour La Réunion une question de dignité que de participer, à égalité de traitement avec toutes les régions de France, à l’effort d’austérité qui permettrait de limiter le déficit budgétaire de la République. Et, subsidiairement de bombarder quelques pays d’Afrique, d’envoyer nos soldats se faire tirer comme des lapins en Afghanistan… ainsi bien sûr, que de garantir à nos malheureux milliardaires le maintien du bouclier fiscal dont ils ont tant besoin pour tenter de survivre !... D’où l’hallucinante annonce des 162 suppressions de postes dans notre académie à la présente rentrée, d’où la disparition de nombre de conseillers pédagogiques du premier degré, d’où l’abandon par l’actuel président de Région du projet de construction de trois nouveaux lycées, d’où la généralisation du dispositif E.C.L.A.I.R. qui transforme les établissements en entreprises ou en casernes, où le chef d’établissement impose sa loi sur le recrutement, les obligations de service, la notation et bientôt la rémunération de chacun de ses collaborateurs.

Malgré tous les maquillages officiels, et les magouilles d’arrière-boutique (les délibérations de certains jurys de Bac mériteraient d’être enregistrées !), on verra inéluctablement se traduire dans les chiffres les résultats d’une politique aussi irresponsable. Déjà pour la session 2011, l’infléchissement du taux de réussite au Bac n’est pas anodin. La suite risque de l’être beaucoup moins encore.

Est-ce à dire que l’UMP, Sarkozy, leurs soutiens et leur presse affidée ignorent l’avenir catastrophique auquel ils condamnent une immense partie de notre jeunesse en étranglant ainsi le système éducatif ? Certainement pas. La vérité, leur credo profond, se lit en négatif des mesures qu’ils prennent, et elle ne peut s’exprimer que dans les termes du total cynisme qui habille leur égoïsme de classe : la société dont ils veulent n’a besoin de produire qu’une petite élite, super-qualifiée et ultra-favorisée, pour tenir les commandes du tableau de bord politique, économique et social de la France. Pour le reste, un « minimum vital » suffira largement à fabriquer les consommateurs, les exécutants et les chômeurs dont la caste dirigeante a besoin pour assurer son emprise. C’est ce que notre "Journal Officiel" et notre "Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale" appellent pudiquement le « socle commun » des savoirs et des savoir-faire : une sorte de RMI pédagogique qui permettra aux générations de barboter sans couler (c’est déjà la devise de notre capitale !), et de nager dans le sillage des yachts somptueux de MM Bolloré, Arnault, Bouygues, Lagardère et consorts, tous ces Maréchaux d’Empire, Ducs et Pairs de notre petit Napoléon du moment.

Heureux élèves en vérité : la natation est reconnue comme un des sports les plus propices au développement des enfants. Et qui sait s’ils n’auront pas la chance de rencontrer, flottant sur la vague, un délicieux fond de bouteille de champagne à se partager : c’est bon pour le moral, et ça fera oublier pour un temps ses douleurs au grand corps malade...

 Raymond Mollard 


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