On aura beau me souffler que la distance ne voulant pas forcément dire que, quand on est loin, on ne se sent pas forcément concerné par ce qui se passe chez soi, il n’empêche : si ce n’est quelques coups de fil ou SMS envoyés à quelques dizaines de proches, je n’en fus point, physiquement s’entend, de la toute récente bataille des Européennes.

Aussi, et à la réflexion, c’est sans retenue que je dis bravo à notre nouveau député au Parlement européen.

Paul n’étant pas candidat, il lui fallait à Elie non seulement de solides qualités de tribun et l’intelligence alerte mais aussi, et sans doute plus encore, l’image d’un homme convaincu que l’avenir de notre île ne saurait se concevoir sans un esprit d’ouverture vers tous ceux qui nourrissent cette même et noble préoccupation. Elie a su symboliser cette notion d’ Alliance qui dépasse le seul cadre d’un parti, ce parti fut-il le sien… Le mode de scrutin adopté pour désigner le député de chacune des trois sections de l’Outre-mer français ne laissait pas de place à l’approximatif. Il nous fallait chez nous être devant, condition nécessaire et première. Le reste relevait de la loterie. Face aux compréhensibles, voire légitimes candidatures PS, UMP et Modem, face aussi à un réflexe écologique populaire qui s’affirme et dont Daniel Cohn-Bendit a su intelligemment laisser croire qu’il en était la seule âme, il nous fallait un homme dont personne, même chez nos adversaires, ne conteste la foi en son île. Brillant étudiant et militant catholique à Paris quand se crée en 1959 le PCR, Elie Hoarau abandonnera très jeune l’idée d’une “carrière” professionnelle sans doute tranquille pour mettre ses pas dans ceux de Paul Vergès. Ce furent les Cantonales victorieuses de 1970 à La Ravine des Cabris et sa présence au secrétariat du Parti. Elie choisit ainsi les voies de la lutte plutôt que celles d’un certain confort matériel. Et de cela, nous sommes nombreux, bien au-delà des rangs du seul Parti communiste réunionnais, à lui en être reconnaissants.
Aujourd’hui, le voilà élu à Strasbourg.

Là-bas, c’est tout naturellement que notre camarade continuera à développer les idées de solidarité plus que jamais primordiales dans un monde de plus en plus difficile pour les peuples qui sont en retard de développement. Et en plein milieu de l’océan Indien, nous sommes les témoins incontournables pour poser les problèmes de fond qui découlent du nécessaire nouvel ordre économique mondial.

Comment ne pas revendiquer notre part réunionnaise dans ce qu’est aujourd’hui devenue l’affirmation lancée il y a 35 ans déjà par le candidat écologiste à la Présidentielle, René Dumont, affirmation selon laquelle il fallait que le monde invente le principe de développement durable  ? Qui, autant que dans notre île, s’y sont véritablement et totalement impliqués ?

Comment par ailleurs, dans l’enceinte d’un Parlement européen curieux de bons défis à relever, ne pas faire preuve d’audace pour ce nouvel ordre mondial maritime qu’il urge de lancer ? Et qui mieux qu’un élu réunionnais est placé pour le faire ? Ne sommes-nous pas dans l’océan Indien, avec Mayotte demain, l’unique Région Ultrapériphérique d’une Europe qui peut — qui doit — affirmer au reste du monde son rôle de force d’exemples ?

Et puis, au moment où nous posons nous aussi la place du vélo comme mode de déplacements urbains pour nos populations , alors que les grandes nations européennes s’y sont mises déjà (et avec de remarquables réussites), comment ne pas voir que notre île pourrait inciter la France et l’Europe, mais aussi l’ensemble des pays riches de la planète, à une dynamique mondiale qui changerait la vie dans les pays pauvres, là où se déplacer chaque jour relève, pour les populations le plus démunies, du casse-tête insoluble ?

Développement durable, sauvegarde de nos espaces maritimes, déplacements urbains : la carte de route de la planète ne saura éviter ces révolutions qui, pour être raisonnées, ne devront pas traîner en longueur.

Et, c’est en amenant ses collègues des Etats de l’Europe, toutes opinions confondues, à poser leurs regards loin dans le siècle qui est entamé qu’Elie Hoarau restera fidèle à l’étudiant qui, sans renier ses convictions d’alors, a rejoint un parti qui n’est grand que quand il sait s’ouvrir aux autres et les emmener avec lui vers un même destin, celui d’une île qui va au monde avec pour idéal de le convaincre qu’on ne saurait jamais baisser les bras…

Raymond Lauret