Et alors là, bonjour la cata !...

1er avril 2005

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La nouvelle m’est parvenue assez tard dans la soirée d’hier jeudi 31 mars. Juste à temps, cependant, pour qu’il me soit encore possible d’en faire le thème de mon billet d’aujourd’hui. Selon mon informateur parisien de la rue de Solférino, dans le 7ème, cette heure tardive résultait en fait du calcul qu’un des conseillers en communication de François Hollande avait soumis au cabinet restreint du Premier secrétaire : il serait prudent de laisser le temps s’écouler et d’éviter à tout prix les journaux télévisés (dits J.T.) de 20 heures et de 22 heures, histoire de donner l’impression qu’on n’agissait pas, ni ne s’agitait dans la précipitation. Mais, surtout, m’a confié ma petite souris de Paris, des amis du premier cercle de Hollande n’étaient pas encore tout à fait sûrs que ce à quoi ils étaient parvenus comme résolution serait approuvé par le B.P.R. (Bureau politique rapproché), l’instance qui, au P.S., valide les suggestions et qui se réunit aujourd’hui vendredi, à 10 heures 30.
C’est vers 16 heures donc que François Hollande, entouré de Jack Lang, Martine Aubry et Ségolène Royal, a hier fermé à double tour la porte de son bureau afin que nulle oreille indiscrète n’entende les réflexions auxquelles il voulait soumettre ceux qui l’aident à prendre les grandes décisions. On peut s’étonner, à ce propos, de la présence de Lang, puisque l’ancien ministre de l’Éducation nationale passe pour ne pas avoir totalement renoncé à la candidature des présidentiables de son parti pour l’Élysée en 2007.
Mais, depuis quelque temps, au 10 de la rue Solférino, les permanents de la maison socialiste ont pu noter que Jack semblait avoir retrouvé les faveurs de Hollande. Derrière les portes, on en sourit volontiers : c’est comme ça même que l’autre François, l’illustre, l’indiscuté, avait fait, à l’époque, quand le petit Michel Rocard se sentait pousser des ailes !
Vers 16 heures donc, hier jeudi 31, François pose d’emblée à Jack, Ségolène et Martine la question : "N’est-il pas urgent qu’on se penche enfin attentivement sur cette fameuse directive dont tout porte à croire qu’elle est en train de nous péter dans les gencives ?"
Stupeur rentrée et contenue dans les rangs, la rudesse du propos du Premier secrétaire fait son effet ! Selon mon informateur, c’est à Jack Lang que François Hollande doit, après d’âpres discussions, le ralliement de Martine Aubry à la décision arrêtée pour être transmise le lendemain au B.R.P. et qui tenait en six points : 1) Convoquer à la Gare du Nord ce lundi 4 avril tous les euro-députés convaincus ; 2) Sauter dans le TGV de 7 heures 53 pour Bruxelles ; 3) Arrivés à la gare du Midi, prendre tous ensemble le Métro pour le Centre Robert Schumann ; 4) Marcher, groupés, silencieux, décidés, vers l’immeuble où cogite la Commission ; 5) Exiger d’être reçus aussitôt par les commissaires et poser d’emblée le problème, d’une même et forte voix : "La directive services, telle que le projet de Constitution l’impose, doit être revue du sol au plafond. Le principe du pays d’origine est actuellement devenu inacceptable pour la France et (même) pour un certain nombre d’autres pays. Notre but ultime ne peut plus être une totale libéralisation du marché des services. Le concept de pays d’origine, on n’en a plus rien à foutre. Qu’on le vide et qu’on le vire tout d’suite de la Constitution si on ne veut pas être vidés et virés le 29 mai" ; 6) Enfin, ne libérer les lieux qu’après l’engagement écrit des commissaires, engagement fait et signé en trois exemplaires originaux et aussitôt communiqué, par le biais des télévisions européennes, à toute l’opinion.
Pour la petite histoire et pour finir, sachez aussi que les réticences de Martine Aubry, maire de Lille et ancienne ministre socialiste elle aussi, tenaient en peu de choses. Elle craignait que les partisans socialistes du “non” - dont elle rappelait fort justement à ses 3 amis, ce jeudi donc, "qu’il ne faut tout de même pas oublier que les derniers sondages les donnent nettement majoritaires en France et dans le parti même" - ne se moquent d’eux et les traitent de rallieurs de la dernière heure. Et puis, elle pensait que se réunir un 31 mars pour prendre une telle décision accentuait le danger que l’opinion en soit informée dès le lendemain, aujourd’hui donc, pour peu qu’il y ait eu la plus petite indiscrétion.
Et alors là, bonjour la cata ! ...

Raymond Lauret


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