Et Dieu, là-dedans ?

5 octobre 2005

Le 20 août dernier, une cinquantaine de Réunionnais se rencontraient pour évoquer la place (et la part) de Dieu dans l’acte sportif et artistique.

J’ai reçu d’une amie habitant Saint-Pierre, Hélène A..., une longue contribution. Une contribution intéressante à plus d’un titre. Je vous propose d’en prendre connaissance, à ceux d’entre vous dont ce débat a retenu l’attention. Aux autres aussi, tant il est vrai qu’il n’y a pas de mal à s’enrichir de la réflexion des autres. Voici donc Hélène A...

"La question me semble être : en quoi y a-t-il un lien entre un sportif, un artiste, un créateur et le divin. Il est plus facile de répondre pour ce qui concerne l’artiste : dans l’histoire de l’art, il y a toujours eu un lien étroit entre l’acte de création artistique et le divin. D’une certaine manière, l’artiste refait ce que Dieu a fait. D’où d’ailleurs le terme de création. Il faudrait plutôt dire que l’artiste re-crée, seul Dieu (puisqu’il existe) peut être considéré comme créateur. On ne crée qu’à partir de rien ; l’artiste lui transforme matière, la détourne éventuellement de sa destination, si elle en a une (mais c’est une autre affaire). De plus, on peut distinguer dans l’art, le sacré et le profane. Il y a eu et il y a une musique sacrée, un art de la peinture liée à l’histoire de la religion chrétienne, particulièrement chez les catholiques et les orthodoxes ; au contraire, dans l’Islam et dans la religion juive, il est interdit de représenter, d’imiter Dieu. D’où l’absence de la figuration (d’animaux ou d’êtres humains) et l’utilisation du dessin géométrique pour décorer.
L’artiste est un être inspiré, l’acte même de la création renvoie au mystère de la chose qui naît, qui surgit d’un néant.
Pour le monde sportif, je suis plus circonspecte. On peut être un bon joueur de tennis ou un bon gymnaste, et croire ou ne pas croire en Dieu. Ce que fait le sportif renvoie à la fois au corps et à la société : au corps, car il doit travailler un geste, apprendre une technique, s’entraîner. Il y a une sur-valorisation du corps et il faut savoir qu’en général les religions, sauf certaines, ne voient pas dans le corps la forme la plus haute de la réalité. Il est suspect, source d’impureté ; il faut le maîtriser, s’en méfier. Suivant les époques, cela peut prendre des formes diverses, allant jusqu’à la mortification. C’est moins le cas aujourd’hui.
Cela dit, en tant que femme, je suis et je reste admirative devant une patineuse artistique pour sa beauté physique, sa grâce ou son titre sportif, ou un champion de cyclisme (je ne cache pas que j’ai suivi avec beaucoup d’assiduité le Tour de France) et que Lance Armstrong reste pour moi un champion d’exception... Quoi que l’on dise...
Est-ce un geste déplacé comme certains le pensent, lorsqu’un sportif fait le signe de croix ou s’agenouille ou remercie Dieu, Allah ou Vishnou lorsqu’il a marqué un but ou remporté la victoire à une course. La foi me semble devoir relever d’un acte de la conscience et lorsqu’on étale sa conscience, on prend le monde à témoin, on s’exhibe... Manque de goût ? tentation du fanatisme qui ne soupçonne pas qu’on puisse penser autrement ? Dieu comme produit dopant ?
De plus, le monde du sport est particulièrement marqué par le business, il y a des enjeux d’argent et d’audience en communication énormes : les sportifs indépendants semblent rares. On n’est jamais loin de la superstition ou de la manipulation. Ce n’est pas parce que j’ai le mot de Dieu à la bouche ou au revers de la boutonnière que je suis croyant. Qui peut se targuer d’avoir le n° direct de Dieu sur son portable ? Religion et business peuvent d’ailleurs faire bon ménage.
Ceci dit, j’ai du respect pour ceux qui croient, mais il y a une limite qui doit être celle de la laïcité : toute personne, quelle qu’elle soit, quelle que soit sa croyance ou son absence de croyance, a le droit de s’exprimer. Mais personne ne peut s’ériger en juge universel. Y compris moi-même. D’où mon scepticisme tranquille en ce qui concerne la question d’un lien entre sport et divin. Il y eut un temps, c’est encore le cas aujourd’hui, où figurait sur le ceinturon du soldat allemand la mention "Gott mit uns" (Dieu avec nous). Les prêtres qui bénissent les armes, cela existe encore... Je n’aime pas trop ce sport. Et la guerre n’est pas source de création intéressante.
En conclusion, je dirai qu’il vaut mieux aller dans les églises, mosquées, temples, ashrams etc, ou tout simplement chez soi, ce sont des lieux qui sont faits pour. À vouloir tout mélanger, on risque la confusion. Le stade devient temple et l’idolâtrie n’est jamais loin."


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