Et sans guillemets, mes camarades...

28 janvier 2005

(Page 2)

J’avais conservé le numéro de “Témoignages” de lundi dernier 24 janvier. L’interview que Paul Vergès avait donnée au quotidien parisien “l’Humanité” et que notre journal avait reprise méritait selon moi d’être relue, loin des turpitudes d’une journée en général chargée.

Paul parle, avec le sens de l’Histoire que nous lui connaissons, de notre île, de son positionnement indocéanique, du caractère laboratoire qu’elle offre à tous ceux qui veulent projeter leurs actions d’aujourd’hui dans un demain qui est si proche. Il parle de ce parti-rassemblement auquel il a toujours rêvé et dans lequel, plus que jamais, il croit qu’il nous faut nous engager. Et j’ai aimé qu’il nous laisse souligner que c’est parce que l’on sait s’élever à la hauteur des grandes ambitions que l’on a pour son pays que l’on peut espérer mériter la confiance de son peuple et se voir reconduit à la direction de l’exécutif régional pour poursuivre l’œuvre commencée.

J’ai aimé également qu’à une question du journaliste de “l’Huma” portant sur la question de la langue créole, il dise très clairement qu’"en aucun cas, le créole ne doit se substituer au français. La maîtrise totale du français est un objectif admis par tous, et pour l’atteindre, il faut tenir compte de l’environnement linguistique naturel. Le créole est ici la langue maternelle. L’utilisation du créole pour parvenir à la maîtrise du français, c’est différent de l’enseignement de la langue créole".
J’ai aimé qu’au moment où certains se plaisent à compliquer une situation en n’hésitant pas parfois à prêter à un parti politique (qui se trouve être celui auquel j’appartiens) des positions qu’il n’a jamais exprimées, celui qui en fut le leader charismatique mette calmement les points sur les “i” et les barres aux “t”.
Et lorsque Paul, relevant que notre île peut être riche du bilinguisme créole-français, ajoute qu’elle souffre cependant "aujourd’hui de diglossie, c’est-à-dire de l’opposition dans un rapport de forces entre le créole et le français" et que c’est dans cette opposition qu’il faut voir "l’une des traductions de la véritable guerre civile que chaque Réunionnais porte en lui", je ne peux que me souvenir de ces meetings auxquels, tout jeune encore, j’assistais, juché sur les épaules de mon père, place du marché du Port.
Paul n’avait alors qu’un peu plus de trente ans et déjà, il expliquait et convainquait en maniant langue créole et langue française, dans un raisonnement structuré et solide qui entraînait la foule et lui traçait des perspectives d’avenir.
Nous étions loin - très loin - de ceux qui font de cette diglossie un fonds de commerce à mes yeux nullement convainquant. Il y a tant à faire dans notre pays que nos vies entières - fût-elle celle d’un Paul Vergès - ne suffiront jamais pour tout réaliser.
Alors, en relisant Paul, on a une sacrée envie de dire tant pis à ceux qui ne sont pa la èk sa. Pa la èk sa et sans guillemets, mes camarades...

R. Lauret


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