Feu Irénée Accot et la faute de syntaxe

6 mars 2007

C’est Jacques Thibier, qui vient de quitter la Direction Générale de la SHLMR après près de 30 ans de bons et réussis services, qui la raconte. L’histoire a pour cadre la salle de réunion du Conseil d’Administration de la SIDR dont la présidence à l’époque, cela n’a pas changé aujourd’hui encore, est assurée par le Conseil Général.
Rue Félix Guyon à Saint-Denis, donc. Irénée Accot, alors Maire et Conseiller Général de Cilaos, préside. A ses côtés, naturellement, le Directeur Général de la Société Immobilière du Département de La Réunion, Monsieur Mazetier, détaché il y peu sur cette fonction depuis son corps d’origine, la déjà célèbre Agence Française de Développement.
On aborde, ordre du jour oblige, une question liée à l’achat d’une parcelle de terrain. M. Mazetier présente le problème qui n’en est d’ailleurs pas un : la SIDR a déjà acheté une bonne partie d’une propriété appartenant à un certain Hoareau. Il s’agit d’en acquérir l’autre bout... plusieurs milliers de mètres carrés, peut-être même plusieurs hectares.
L’affaire est simple car le prix d’achat ne pose aucun problème, pas plus que le règlement d’urbanisme qui fixe les conditions de constructibilité dudit terrain. Et puis, le projet est prêt à être lancé. Ne manque que l’acte de propriété du foncier. D’où cette ultime rencontre pour régler une simple formalité. L’unanimité à l’heure du vote ne fait pas l’ombre d’un doute.
Irénée Accot ne veut pourtant pas prendre le moindre risque. Il appuie la présentation faite par son Directeur Général : « Mesdames, Messieurs, lance-t-il alors de sa voix qui chantait bon l’air frais de sa bien jolie petite commune-cirque, mes amis, c’est une question des plus simples : il s’agit d’un terrain qu’il faut absolument acheter. D’ailleurs nous avons déjà acquérit le terrain d’à côté... »
C’était connu de tous, et ce n’était un handicap que pour les oreilles des puristes de langue de Voltaire, Irénée Accot n’a jamais été à une faute de syntaxe près. Sauf pour M. Mazetier qui, fraîchement arrivé de l’AFD, est manifestement gêné par cette liberté de langage à laquelle il n’a jamais été habitué tout au long d’une déjà riche carrière métropolitaine. Aussi, c’est tout naturellement, quoique un peu gêné, qu’il se penche vers son président et lui souffle discrètement à l’oreille : « ... acquis , Monsieur le Président, acquis ... ».
Et Irénée Accot, le regardant d’un œil bien paternel, s’adresse à l’assemblée à haute et intelligible voix : « A qui ?... ben, à Monsieur Hoareau, naturellement... je crois ! ». Et la séance se poursuivit, le terrain en cause, nous confirme Jacques Thibier, ayant été évidemment « acquisitionné »... à l’unanimité et avec sourires.
L’histoire ne dit pas si M. Mazetier s’en est allé, dès le lendemain, fouiller dans la “lexicale créole” pour se familiariser avec notre « un bon p’tit peu », notre « soulier qui rentre pas dans notre pied » ou encore notre « avance devant » ou « recule en arrière »... On peut cependant l’imaginer.

Raymond Lauret


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