Gilberte et Denise Ah-Kang : une autre manière de nous plaire.

9 mai 2007

Demain, je vous conterai la merveilleuse journée d’un dimanche pas comme les autres de cinq jeunes Portois, âgés de 8 à 12 ans. Il n’est pas dit que leur “joyeux sacrifice” n’inspire pas un jour prochain les adultes que nous sommes.
Pour l’heure, restons au Port et prenons le chemin de « l’Espace Françoise Mollard », au 81 rue de St-Paul, là où l’O.M.S de la cité maritime a son siège.
La grande salle du rez-de-chaussée du bel immeuble blanc, qui se veut être le lieu où se réfléchit et s’applique une politique sportive, est dédiée aux artistes. Une façon de conjuguer le verbe “sport” au temps de la “culture”. « Sport est culture » : l’appel à la réflexion qui fut longtemps celui de la « Biennale d’Echirolles » , aux portes de Grenoble, est ici particulièrement fort. Et ce ne sont pas les artistes de notre île - peintres, sculpteurs, ébénistes... - qui le contesteraient.
En témoigneront encore désormais les champions d’un autre genre de l’art. Nous devrions, pour être juste, parler de “championnes” : Gilberte et Denise Ah-Kang, comme leurs prénoms l’indiquent, sont deux femmes. Deux sœurs aussi.
Depuis qu’ils la connaissent - cela fait de bien longues années - les Portois, les Portoises et sans doute mille autres de ses amis de toute La Réunion ont pu voir Gilberte, son bout de tissu emprisonné et tendu dans un “tambour” dans une main, son aiguille dans l’autre, ses multiples pelotes de fil de toutes les teintes juste à côté : l’aînée des Ah-Kang, Professeur de Lettres, n’a pas attendu d’être à la retraite pour donner à la broderie la dimension d’une œuvre d’art. Elle en a réalisé des dizaines et des dizaines, sans compter les autres...
Il faut venir les voir. Et vous découvrirez combien, autant qu’au bout d’un pinceau, l’artiste révèle que l’harmonie des couleurs offerte au regard des autres est une forme de dialogue avec soi-même (« dialogue silencieux », s’est confessé publiquement Marcel Gris), les fils de la broderie, entrelacés, mêlés, étalés tels les reflets pastels ou bien saccadés d’une gouache savent parler à votre âme, l’attendrir, la conquérir.
Gilberte nous emmène, dans notre besoin de rêveries, vers la « Beauté asiatique » ou le « Dragon chinois », mais aussi au cœur de la « Maison de campagne anglaise » ou du « Chalet romantique » ou encore dans la « Farandole des anges ». Plus de 60 œuvres, et leurs milles couleurs chatoyantes ou graves, jamais muettes.
Venez les voir. Et puis, une fois que votre regard se sera rempli de cet étonnant feu d’artifices, osez faire la part entre l’objet de l’art et l’écrin qui l’enserre... D’habitude, à la Galerie, on ne prête pas attention aux cadres, surtout s’ils ne sont pas dorés et à reliefs.
Je vous propose de rompre vos manières et de vous approcher pour vous étonner de toute la finesse et de la tendresse que Denise, la cadette de Gilberte, a mises dans l’art d’encadrer les toiles de sa grande sœur.
Rien n’est reproduit. Chaque pièce est unique... Le bois est fait de ce qu’il y a de plus sobre. Nulle fioriture. Seulement une recherche, avec un résultat heureux, pour que chaque scène ait la profondeur qui valorisera le message livré pour être partagé. On devine que, chez Denise, le cutter est archer, qu’elle ne découpe pas du gros carton mais caresse de ses doigts les cordes d’un violoncelle. C’est que cette ancienne directrice d’hôpitaux a choisi, pour meubler un temps qu’il lui appartient désormais de remplir, de se passionner pour l’encadrement d’art. Dit autrement, de choisir comme point de convergence de lignes parallèles l’infini qui consacre les beautés de la création.
C’est jusqu’au 24 mai. Vendredi dernier, jour de vernissage, lorsque les portes de « l’Espace Françoise Mollard » se refermaient, plus de la moitié des œuvres avaient été achetées. Assurément les autres ne tarderont pas à l’être...

Raymond Lauret


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus