Idriss, le dir-cab, attendra bien quelques instants...

8 avril 2005

(page 2)

C’était hier jeudi 7 avril. Il était... il est 10h35. J’arrive au bureau, salue les deux secrétaires qui me disent un très sincère merci, pour la petite pensée que j’ai eue pour elles avec mon billet du jour.
Et puis, quelqu’un, qui était assis à l’autre bout du couloir, s’avance vers moi : "Est-ce que mi peux voir à ou un n’instant, si ou plaît ?..." L’homme - quarante ans, mais faisant bien plus - a le visage et l’allure de ceux que les problèmes écrasent. Il déplie une lettre qu’il tenait entre ses doigts et me la tend...
Je l’invite à entrer et à s’asseoir. J’avais un urgent rendez-vous avec Idriss. Le dir-cab attendra bien quelques instants, une fois n’est pas coutume...
Je regarde la lettre.
L’A.R.E.L. (Association réunionnaise d’entraide aux libérés) informe mon interlocuteur qu’il doit quitter le logement qui a été mis à sa disposition, depuis sa sortie de prison, il y a six ou sept mois déjà, à titre temporaire. Il a été reçu par la directrice de cette association dont, personnellement, j’apprécie le travail au point que je verse, depuis plus de six ans, une partie de mes indemnités de Conseiller régional, à titre d’adhérent.
L’homme me confie qu’il n’a pas de travail et qu’il va se retrouver à la rue, lui et également sa compagne.
Que faire ?
Je lui demande : "Est-ce que ou l’a vu la Mairie ?" Il me répond que oui, il a vu la Mairie de Sainte-Clotilde, mais on ne peut rien pour lui. Je n’ai pas le droit de laisser cette personne penser que son problème m’embête et que je ne peux rien faire pour elle. L’ennui, c’est que je ne vois pas par où le prendre. Appeler Dominique Petit, la directrice de l’AREL ? Oui, pourquoi pas ? "Madame Petit n’est pas là... Peut-elle vous rappeler ?"...
Elle me rappellera sûrement. Je lui demanderai si elle ne peut pas prolonger le temps... donner un peu d’élasticité à ce qui, normalement, doit rester une solution temporaire... Je sais ce qu’elle me répondra alors : que l’AREL n’a pas les moyens de faire plus... que ce temporaire a déjà été renouvelé..., que ce cas n’est malheureusement pas le seul... que, en un mot, c’est difficile. Très difficile, puisqu’il n’y a pas de logements.
C’est alors que mon interlocuteur me montre un autre papier. Et là, c’est l’horreur : un commandement à payer une somme dont l’importance est telle qu’elle ne le sera jamais ! Il s’agit de 17.000 et quelques euros auxquels il a été condamné ! Ce monsieur n’a pas été en prison pour rien. Il a sans doute commis un délit énorme. Il a payé par une privation de sa liberté. L’AREL l’a aidé dès sa libération, aidé en attendant qu’il trouve une solution à sa vie d’infortune.
Qu’il ait osé venir voir un élu - il est tombé sur moi comme il aurait pu tomber sur un autre - voilà qui montre qu’il aimerait s’en sortir.
Mais où peut-il s’adresser, lorsque la voie associative a été épuisée et qu’elle s’épuise sans doute dans une tâche que la société ne remplit pas toujours ?
Je lui suggère l’ARAJUFA, un nom qui me vient comme ça à l’esprit. Je sens dans son sourire la résignation positive de celui qui ne veut pas encore se sentir abandonné. Je lui suggère l’ARAJUFA, n’osant pas lui dire qu’il y a aussi Annie et Georges et leur association U.T.P.V.
U.T.P.V.? Vous ne connaissez pas ?
U.T.P.V. : “Un toit pour vivre”, tout simplement, tragiquement tout simplement.

R. Lauret


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année

La pès kabo

5 juillet, par Christian Fontaine

Kan i ariv Novanm-Désanm-Zanvié, domoun i réziste pi ek la salèr. Zène-zan i mars dann somin, zène-fi i roul an dékolté ; sétaki i rod in manir po (…)


+ Lus