« Il y a un de mes collègues d’ici qui est aussi de La Réunion ». Évidemment, je ne savais pas qui était ce Christophe dont la jeune serveuse martiniquaise venait de me parler

5 juillet 2010

On compte aujourd’hui au Québec suffisamment de Réunionnais qui ont définitivement choisi de s’y installer, ou bien qui sont désireux de l’être une fois que leur formation professionnelle ou universitaire sera sanctionnée par un diplôme. Je peux donc consacrer une seconde fois mon “libres propos” hebdomadaire à une terre tellement différente de notre Réunion.
De cette province du Canada, j’ai lu dans un guide acheté sur place : « Grisant en hiver, éclatant à l’automne, séduisant au printemps et débordant d’énergie au cœur de l’été, le Québec s’ingénie à révéler la nature propre à chaque saison. Peut-être parce que ses deux principales richesses — l’eau et la forêt — se plaisent à changer de visage et de forme au fil des saisons. La troisième richesse du pays, le sens de l’accueil, est, elle, insensible aux variations du thermomètre ». Je confirme.
Je confirme que, du peu de temps que j’y passe depuis à peine deux semaines, il ne me vient absolument pas à l’esprit de prétendre le contraire. Je ne parle pas, bien entendu, du spectacle qu’offrent aux visiteurs les immenses parcs qui emplissent les forêts ou les cités et enlacent mille et mille plans d’eau pour se donner sans retenue à nos regards émerveillés. Tous ceux qui m’ont vanté le Québec ont eu les mêmes mots pour dire un enthousiasme jamais feint et toujours débordant. A les entendre tous, il me faut ne pas manquer l’automne d’ici avec ses arbres qui prennent toutes les couleurs, ni l’hiver quand il “monte” jusqu’à moins 20 degrés et recouvre les lacs et parfois même les fleuves d’une plaine de glace sur laquelle marcher est une priorité quotidienne ! Pour l’heure, là bas, c’est l’été. Et j’aime. Il fait bon, l’air parfois frais n’est nullement désagréable et ma vérité semble être celle de milliers d’autres qui profitent des journées qui s’allongent jusque tard dans le soir pour s’approprier les parcs, les places, les devantures et les rues de là où ils résident. C’est en tout cas ainsi à Québec, cette grande ville aux allures de gros village fait de pierres authentiques où, et j’y viens, le sens de l’accueil est vraiment une vraie troisième richesse. Ce que m’ont confirmé plusieurs rencontres dont certaines m’ont montré que le monde est aujourd’hui vraiment bien petit.
Ce fut tout d’abord l’autre samedi, vers 20 heures. Dans le cœur du “Vieux Québec”, je me promenais en famille, au milieu de milliers d’autres quand, tout à coup, quelqu’un que je venais de croiser :… « Eh ! Mais c’est Raymond, ça ! ». Je me retourne, bien évidemment, et tombe sur un homme qui doit être de mon âge, mais qui, vu ce que je vois, est obligatoirement un gars d’ici, au pire de l’Amérique ! En tout cas, c’est un gars que je ne connais pas, du moins j’en suis sûr ! « Eh ! Tu n’me reconnais pas ? Bénard !!! On était au lycée ensemble ! ». Je fouille dans mes souvenirs et, bien sûr de bien sûr, je le revois, mon Bénard, camarade du lycée Leconte de Lisle à Saint-Denis et surtout jeune frère du Surveillant général Daniel Bénard dont nous apprécions tous alors la disponibilité. Ce que me dira mon compatriote vaut de vous être rapporté. Retraité de l’Éducation nationale depuis plusieurs années déjà, il a choisi de vivre ici, à l’invitation de sa fille et de ses petits-enfants. Et s’il y a une chose qu’il ne regrette pas, c’est bien d’avoir “suivi” cette enfant qui, bardée de diplômes, n’arrivait pas à avoir un poste dans son île natale. Aujourd’hui qu’il y a posé ses valises, il se sent chez lui. « Mais l’hiver, quand ça y descende à moins 25, comment zot y fait ? ». Et Bénard de me répondre à mon inquiétude tropicalisée : « En hiver, on s’habille correctement et ça peut descendre à moins trente ou moins quarante, on fait face. Et puis tout est organisé pour ». Et de rajouter : « Le coût de la vie n’a rien à voir avec ce que l’on connait chez nous. Je connais une jeune femme de notre île qui est prof ici depuis 6 ans et qui a déjà acheté sa maison plus un appartement qu’elle loue ». On échange encore quelques instants et on se quitte comme si nos années passées dataient d’hier, mon vieux copain de lycée ayant à poursuivre son footing.
Le lendemain, dimanche, dans un restaurant-libre service de Québec, du nom de “Picardie”, une employée attire ma question : « Vous êtes antillaise, n’est-ce pas ? ». Réponse : « Bien vu, je suis martiniquaise. Et vous ? ». Je décline. Et elle, toute amusée : « Il y a un de mes collègues d’ici qui est de La Réunion lui aussi ». Évidemment, je ne pouvais pas savoir qui était ce Christophe dont elle venait de me parler.
Vu que me voici arrivé en bout de la place qui m’est réservée, de Christophe, nous en causerons demain.

Raymond Lauret


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