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Et si, finalement, le vrai “coup de théâtre” (ou encore “la surprise”) dont nos médias, qu’ils soient journaux, radios ou télévisions, ont fait leur titre principal, c’était tout simplement les capacités de négociateur et de stratège que vient (une fois encore, et à la surprise de ceux qui pouvaient douter de lui) de montrer, dans la gestion d’Air Austral, son directeur, Gérard Ethève ?
Tout ce qui constitue l’excellence de la stratégie et de la négociation a été ici rassemblé : tout d’abord, le choix réfléchi et judicieux d’un partenaire avec lequel il est décidé que l’on conclura ; ensuite, le niveau auquel se place la dimension financière de la “transaction” et qui se révélera de référence ; puis, la crédibilité de ce partenaire qui éteindra automatiquement la tentation de toute comparaison avec celle de tout autre ; enfin, en dernier lieu, mais de toute première importance, la notion du secret, allant jusqu’à une discrétion partagée avec ceux qui sont capables de la conforter.
Et là, chapeau bas à Gérard Ethève.
Pas un mot, pas un indice, rien n’est sorti du cercle de ceux qui devaient savoir et qui donc savaient. Rien... Et quand je dis rien, je vous prie de croire que je sais, moi qui, comme d’autres, étais autour de la table mardi au Palais de la Source, de quoi je parle !
Rien, rien n’a filtré. Aucun fin limier n’a ressenti ni flairé le moindre petit frissonnement qui aurait pu faire que la logique “Crédit Agricole” aurait pu être évoquée et sortie, même avec “les réserves qui s’imposent”. Tous ceux qui s’y sont lancés ont suivi une tendance... la mauvaise. Fausse piste ?
À tort alors, et à regrets je l’espère aujourd’hui, certains ont pensé que “le vieux” était vraiment atteint par la limite d’âge et que son scepticisme, pour ne pas dire plus, vis à vis de B.A.I.L. relevait de la sénilité maladive qu’éprouvent parfois certains vieillards vis à vis de l’ambition des jeunes talents, à moins que ce n’était les effets d’une quelconque mouche tsé tsé ! Ceux-là devront réviser leur jugement ;
Je disais à François Caillé mercredi matin que je n’avais vraiment pas compris Jacques De Chateauvieux dans les propos qu’il avait lancés la veille devant les membres du Conseil d’Administration de la SEMATRA, en présence de Nassimah Dindar et de Paul Vergès. Je disais au président du MEDEF que j’avais été surpris par ce que le patron du Groupe Bourbon avait dit, dans un ton parfois agressif, souvent déroutant pour ceux qui croyaient le connaître.
"Je me demande, avais-je confié à François Caillé, si Jacques De Chateauvieux n’était pas venu devant la SEMATRA pour créer les conditions du refus. En l’écoutant être parfois blessant et même méprisant, ce qui ne lui ressemble pas, j’ai eu la forte impression qu’il cachait bien un certain fatalisme et ne souhaitait pas finalement s’engager dans ce métier".
Aujourd’hui que “le secret” est levé et que, au même titre que chacun, je sais moi aussi, j’ai comme une envie de me persuader que Jacques De Chateauvieux en avait eu vent, dès son arrivée dans l’île mardi matin. J’ai envie de me persuader qu’en déclinant de façon appuyée devant la SEMATRA qu’Air Austral était une excellente compagnie, il rendait, à sa façon, un hommage (sincère ou gêné, quelle importance !) à son directeur, admettant ainsi que ce dernier avait de la dimension et un énorme mérite, qu’il était de la lignée des deux présidents que la Compagnie a connus et qu’il convenait qu’il s’incline devant aussi fort que lui. Ce qu’il nous a dit, puis ce qu’il a “laissé” aux journalistes à sa sortie, me poussent à y voir, contrairement aux apparences, une certaine forme de panache dans sa démarche. Mes vrais amis me trouveront un peu trop conciliant. C’est vrai, cela me contrarie franchement d’avoir à brûler l’image que j’ai toujours eue d’une fort belle réussite de quelqu’un qui savait où il allait !
Gérard Ethève, mardi, devant la SEMATRA, après avoir énuméré tout ce qui classe Air Austral dans le peloton des groupes de navigation aérienne qui “marchent” dans une profession qui ne compte plus son nombre d’estropiés, confia à l’assemblée, dans une sérénité que l’on pouvait deviner empreinte d’émotion et de solennité, que le seul problème de la compagnie réunionnaise, c’est l’âge de son directeur. "Dans un an et demi, je devrais me retirer. Le moment venu, je présenterai à la Direction d’Air Austral la personne qui pourrait me remplacer". C’était sobre, une fois de plus, comme Gérard Ethève l’a toujours été. Sobre, mais direct, sobre et efficace. Avec, comme principe constant, la discrétion. Personne n’a dit mot ou bougé de l’œil, ni ceux qui le respectent, ni ceux qui l’admirent, ni surtout ceux qui sont habituellement dans sa confidence. On peut aisément imaginer que nombre de discussions, ici où là, tourneront, autour d’un verre, à s’interroger sur le nom du fameux successeur. Personnellement, je ne vais pas m’y essayer. J’ai un trop immense respect pour ceux qui savent mener leur barque, surtout quand ils ont à ce point réussi.

R. Lauret