Ils avaient organisé un scandale...

1er février 2007

En prologue d’un des petits ouvrages qu’il a écrits et dans lesquels il livre à notre réflexion beaucoup de ses interrogations et quelques unes de ses certitudes (“Dieu merci” - Octobre 1995 - Bayard Editions Centurion), l’Abbé Pierre se souvient qu’il fut un jour invité dans la capitale d’un des pays les plus riches du monde pour y faire un exposé sur la pauvreté et l’exclusion. C’était devant un large parterre de ces hommes qui se qualifient eux-mêmes de “décideurs”.

Il y eut donc un colloque suivi d’une messe que l’Abbé célébra lui-même. Et puis, ce fut le dîner auquel ses hôtes l’avaient bien évidemment convié, dans les grands salons d’un hôtel de luxe.

L’Abbé Pierre se rappelle et raconte alors : « ... Salon chic d’un hôtel de luxe. Serveurs en grande tenue attendant, immobiles dans leur mise impeccable, de présenter des mets somptueux et raffinés, vaisselle étincelante sous les lumières conjuguées des lustres et des chandeliers. Profusion... Et voilà qu’on m’invite à faire la prière !!! ».

Qu’était donc venu faire l’Abbé des pauvres dans cette galère de festin ? Qu’allait pouvoir y dire notre incorrigible remueur des consciences et pourfendeur de toutes les hypocrisies ? Lisons-le :

« J’ai cru que le cœur allait me manquer. Lorsque, enfin, j’ai pu parler, je me suis entendu dire : « Mes amis, je ne ferais pas de prière. Pouvez-vous réaliser le grotesque et l’indécence de la situation que nous vivons ? Vous souvenez-vous qu’après qu’il eut célébré la première messe, Jésus est entré en agonie ? Et ici, après la messe, on a organisé un scandale. Ne pensez-vous pas que pour clôturer votre rencontre sur les pauvres et les exclus, le dîner aurait dû, tout naturellement, être composé d’un potage et de deux sardines ! Ne me demandez pas d’être à l’aise maintenant. Si je participais de bon cœur à ce banquet, je ne pourrais pas regarder en face ceux que je vais rencontrer demain, les malades en fin de vie à l’hôpital, les jeunes en prison. Je les trahirais. »

Tout autre commentaire, me semble-t-il, relève de ce qu’il y aurait d’inutilement superflu.

Raymond Lauret


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