Ils veulent nous envoyer nous faire “footre” !

6 février 2006

Bruxelles vient d’exiger de la France qu’elle “s’aligne” elle aussi et qu’elle autorise ses clubs professionnels qui le souhaitent à se faire “coter” en bourse. Cela se fait ailleurs. Pourquoi donc un de ses États membres (et pas n’importe lequel !), dérogerait-il à la règle ?
Jean-François Lamour, notre ministre des sports et ancien champion olympique au sabre, un sport où la récompense du travail fourni par l’athlète se trouve dans la seule (et belle) satisfaction de la victoire, Jean-François Lamour donc a eu beau avancer que la glorieuse incertitude du sport ne peut se conjuguer avec la loi boursière, que dans ce domaine les exemples de déconvenues l’emportent largement sur les quelques rares réussites, “réussites” à mettre entre guillemets puisque dès le départ de l’aventure boursière des quelques clubs concernés, il y avait les milliards de quelques riches hommes d’affaires qui les ont confirmés en machines à faire encore plus de fric. Notre ministre a eu beau souligner que les fortunes (insolentes pour certains), qu’amassent quelques petites centaines de footballeurs dans le monde entier ne sauraient masquer les problèmes du sport amateur et de ses centaines de millions de pratiquants ; il a eu beau démontrer que tout cela alimente de bien graves illusions chez beaucoup trop de jeunes ; en un mot Jean-François Lamour a eu beau plaider le droit à la différence pour un pays où "le sport pour tous et toutes et le meilleur niveau possible pour chacun" est un idéal, rien n’y a fait. Il a dû céder aux intérêts supérieurs de la libéralisation des marchés et à l’émergence d’un Dieu dont l’esprit est le profit et le bras séculier la bourse et ses O.P.A.
Jean-François Lamour, médaillé d’or aux J.O. de Los Angeles en 1984 et de Séoul en 1988 et médaillé de bronze en 1992 à Barcelone, a dû céder devant le poids de ceux qui comptent dans les coulisses d’un pouvoir qui n’a pas inventé la directive Bolkestein pour rien. Tout au plus aura-t-il réussi - à condition que la Cour Européenne de Justice ne vienne pas casser “son amendement” - à limiter les dégâts en exigeant que, pour entrer en bourse, les clubs français doivent au moins être propriétaires de leurs stades. Histoire, sans doute, de disposer d’un capital fait de terrains et de béton.
Cela devrait resserrer à quelques-uns l’aventure du “sport-fric-référence-bourse”...
Mais faut-il sérieusement croire qu’il sera possible à notre actuel gouvernement et à son ministre des sports de sauver l’essentiel, dans un monde où les idées vertueuses font sourire alors que “le tout économie”, qu’ils appellent le “réalisme de notre temps”, est seul jugé fréquentable ?
Le mot de la fin à Michel Platini : "Jusqu’à maintenant, trois points engrangés grâce à un match de gagné, c’était de la joie pour les sportifs. À présent, ce sera une satisfaction pour les actionnaires boursicoteurs...". Et c’est comme ça qu’un jour, espérons-le, les vrais amateurs de foot enverront se faire “footre” cette nouvelle race de managers pour lesquels chaque match est un rendez-vous pris avec l’incertitude des fortunes à acquérir autour des corbeilles du gros capital.

R. Lauret


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