L’affaire “De Balman”, l’énarque et l’agitateur

30 juillet 2007

S’il n’y avait pas l’insoutenable drame qui frappe dans leur santé et dans leur dignité un nombre important d’honnêtes et braves gens, on pourrait se réjouir qu’éclate aujourd’hui l’affaire dite « De Balman ».

Emmanuel De Balman, c’est un monsieur qui, par lettres recommandées et exploits d’huissiers, somme des familles de Saint-François et de la Plaine des Palmistes de quitter les terrains où, depuis des dizaines d’années, elles habitent pourtant dans des maisons qu’elles ont construites et dont elles se croyaient les honnêtes propriétaires.

Emmanuel De Balman, à distance, exhibe la preuve irréfutable que le seul propriétaire des lieux, c’est lui. Cette preuve, c’est le jugement en bonne et due forme rendu depuis de bien longues années par des Tribunaux de la République. Autre preuve qu’il est dans son droit : des huissiers - auxiliaires de justice - se sont présentés chez ces peu scrupuleux « empêcheurs de posséder des terres » qui, illégalement, occupent donc les biens qui, le Droit l’a dit, sont sa propriété à lui.

Car le Droit, en effet, l’a encore dit aujourd’hui : sur notre Terre, des terrains peuvent devenir propriété d’un individu. Il suffit que ce dernier, par l’achat, l’héritage, le troc, l’opportunité ou parfois même la magouille savamment légalisée, sache se saisir de “la chance” qui est la sienne. Et tant pis pour ceux qui n’ont pas eu la veine d’être nés ou d’être là au bon moment, ou encore d’être bien nés à la bonne époque.

L’Observatoire Réunionnais des Prix et des Revenus” récemment installé dans notre île aura, entre autres sujets, à se pencher sur le prix du foncier dans notre île. C’est notre ami Philippe Jean-Pierre, universitaire, Directeur de l’Agorah et membre de la commission diocésaine Justice et Paix qui anime le groupe de travail chargé de ce dossier.

Sa tâche ne sera pas simple. Car, derrière et par delà la toile que le Droit a tissée pour « garantir l’intégrité » des droits du « propriétaire », derrière et par delà les mesures de procédure dont disposent les pouvoirs publics pour « réguler » la problématique du foncier dans toute politique d’aménagement du territoire, derrière et par delà donc l’existence d’un service des Domaines qui est sous l’autorité du Trésorier Payeur Général et le toujours possible recours à l’arbitrage du Juge d’expropriation, il reste aujourd’hui que des individus ont pu un jour, et souvent à bas prix, « acquérir » des dizaines d’hectares de terrains sur lesquels ils n’avaient rien à faire et sur lesquels ils n’ont rien fait. Sauf qu’ils ont seulement et tranquillement attendu le temps qu’il faut que pour que se mette en marche le rouleau compresseur de l’offre face à la demande. Ce que notre fameux droit couvre. L’affaire dite « De Balman » en est la preuve. Elle est également la preuve que le Droit ne rend pas toujours une bonne justice.

Interrogé par Jean-Hugues Ratenon, M. le Sous-Préfet de Saint-Benoît a, semble-t-il, salué l’idée que « les parlementaires soient saisis pour qu’une mission se positionne sur la problématique du foncier réunionnais, et sur la notion de propriété ».

Qu’un énarque rigoureux se montre sensible aux propositions d’un agitateur généreux, voilà qui ne peut que satisfaire votre serviteur et tous ceux qui croient dur que, sur la Terre un jour créée pour que tous les Hommes puissent y habiter, les enfants du bon Dieu ne veulent pas être pris pour des canards sauvages que l’on peut tirer à tout moment.

R. Lauret


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Messages

  • quand est il alors des acquisitions de fonciers par des collectivités à des particuliers qui n’en seraient dès lors pas les propriétaires si le sieur de Balman obtient son héritage ...?

    • c’est ce qui pourrait arriver bientôt dans l’ouest, plus précisément à saint - paul, si de balman obtient gain de cause en cassation contre les familles de Saint -François, mais je tiens à vous préciser que ce sera très dur pour lui et sa bande, car le procédé concernant la prise de possession des biens par le légataire universel (par de balman) n’a pas été respectée. il devait avant toute prise de possession justifier de l’absence d’héritiers réservataires.or, comme vous le savez, ce n’est pas le cas. nous disposons assez d’éléments pour en faire un film .je ne puis en dire plus pour l’instant.

  • "l’énarque et l’agitateur" ce titre fait tapage et sourire et n’engage que son auteur, d’autant que ce dernier à des rôles politiques et pas des moindres, d’ailleurs, il aurait pu tout aussi rester sur son "conte" et le traduire "la belle et la bête". Le collectif de st Francois réagit à cet article et on ose espérer que ce titre ironisant un des acteurs de ce dossier tombe sous l’aspect d’une méconnaissance de cette fameuse affaire DE Balman, en effet, sans une implication médiatique de "cet agitateur généreux" et des collectifs qui ont eu cette "générosité"audacieuse de dénoncer ouvertement les magouilles et le drame que subit l’ensemble de ces familles, personne, on le précise bien, personne, ni de la classe politique, ni les pouvoirs judiciaires, ni la population, ni les associations ... n’auraient pu mesurer l’ampleur de cette remise en cause du droit de propriété.

    Des milliers de famille sur notre ile sont aussi dans le collimateur de ce genre de "chasseur de prime" ... L’engagement de cette association est exemplaire et démontre bien son rôle actif à lutter contre toute forme d’injustice et de précarité, nous invitons donc le créateur de cet édito "l’énarque et l’agitateur " à nous montrer son efficacité sur le terrain en s’engageant avec ces familles .....

    Nous tenons à remercier l’ensemble du monde journalistique de son écoute et de leurs précieuses collaborations à mettre en valeur la compréhension de ce lourd dossier au grand public ...... Et nous disons aussi aux lecteurs, aux auditeurs et à ceux qui régissent ces "éditos" de ne pas se tromper de cible, une réaction de dénonciation de fait utile au combat de ces familles avec un comité de soutien serait une des forces complémentaires aux décisions et actions futures... le "tempo" de nos noires années de colonialisme ne va pas ressurgir en cette année 2007 par une rédemption de Sieur DE BALMAN et la complicité de "sa cour" sur le foncier de la Réunion.

  • Dans l’affaire Debalman il est inquiétant de constater l’inertie dont à fait preuve les pouvoirs publics face aux conséquences évidentes qui ne manqueront pas de découler d’un tel jugement.

    Après la plaine des palmistes, voilà qu’à saint François le juge donne raison , en appel, au requéreur virant comme de simples squatters des familles entières vivant là depuis le début des années trente.

    Prenons la peine de remonter un peu plus loin dans le temps ; A la fin du 19 èm siècle, de combien de terrains M Pascal Crémazy était il propriétaire ? En 1958 une demande d’inventaire portait sur 6 terrains. Alors, à qui le tour ?

    Il est bon de rappeler que pour la plaine des Palmistes tout le montage du dossier, et donc des pièces de son dossier ont été soigneusement sélectionné par M Crémazy André avocat de métier ( Ce qui doit bien faciliter les choses lorsqu’ il s’agit de défendre « ses intérêts ? ?« face à des gens qui n’ont que leur bonne foi pour se défendre ; ).
    Puis , à son décès, un opportuniste dopé par une cupidité sans limite poursuit l’œuvre amorcé par son mentor. J’avoue que la sidérante désinvolture des conclusions de 2 des 3 avocats censés défendre les intérêts des familles de Saint François a bien aidé le Sieur DeBalman dans une affaire où déjà planait l’ombre de la jurisprudence de la Plaine des Palmistes.

    Quand on prend la peine d’étudier la légèreté des arguments de l’assignations,qui n’avait pas échappé au juge de première instance, face à la gravité des conclusions du jugement en appel ;

    Quand on prend conscience qu’une prescription trentenaire n’a , aujourd’hui, pas plus de valeur qu’un bijou de pacotille ;

    Quand on assiste à la spéculation éhontée qui règne sur le prix du foncier sur l’île et que rien ne semble vouloir arrêter ; ( quel jeune couple pourra encore se payer son lopin de terre dans 10 ans ? )

    On peut facilement déclarer qu’à la Réunion une nouvelle chasse au trésor vient de voir le
    jour.
    Réunionnais : remontez le temps, tous aux archives … la voie de la fortune est toute tracée.

    L M C


Témoignages - 80e année


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