L’art d’imaginer le monde idéal...

19 janvier 2007

Roger Orlu, dans son “billet philosophique du 19 janvier 2007”, pose la bonne question quand il se demande « comment résoudre les contradictions entre le monde des victimes d’un système social injuste et celui des privilégiés, pour créer une société harmonieuse et solidaire ? ». La réponse à cette question, dit-il, « est de la responsabilité à la fois des décideurs et de chaque citoyen ».

Je n’ignore pas que la philosophie est l’art d’imaginer le monde idéal tel qu’il pourrait être. C’est un exercice nécessaire car seul capable d’inspirer aux responsables de tous niveaux et de tous bords la sagesse agissante qui permettra que les hommes tendent vers la « société harmonieuse et solidaire » à laquelle nous sommes nombreux à rêver.

Mais, notons le, la réponse proposée pèche par une grosse omission : aujourd’hui, en tout cas dans notre réalité réunionnaise, la grande contradiction vient du fait que des individus victimes d’un système social injuste s’attaquent, non pas au monde des privilégiés qui ont les moyens de se protéger, mais bel et bien à d’autres individus, tout autant qu’eux victimes du même injuste système social.

Cette « contradiction », vérifiable dans toutes nos villes, dans tous nos quartiers, relayée dans les pages que la presse réunionnaise consacre à ce qu’on appelle curieusement les “faits divers”, rend nécessaire, à côté des outils d’éducation et de facilitation de l’insertion sociale, la présence d’une police dont le rôle, très variable, n’est pas toujours facile puisqu’elle est l’œuvre d’hommes.

Cette « contradiction » atteint le comble quand, par exemple, des pompiers et leur V.S.A.V. (Véhicule de Secours et d’Assistance aux Victimes) peuvent être pris à partie par certains irresponsables qui se trouvent sur les lieux d’un accident. Que peut alors penser celui ou celle qui, blessé, vit encore et entend peut-être la « contradiction » ?... Que doit penser le travailleur dont la petite voiture est retrouvée carbonisée ? Que doit-elle aussi penser, la vieille dame dont le sac, à la sortie d’un bureau de poste, lui a été arraché ? Et l’épouse ou la compagne violentée, tabassée ? Et ce travailleur qui, il y a deux semaines de cela, voyant sur la route un jeune accidenté, s’arrête pour lui porter secours et tombe dans le piège tendu par trois autres comparses ? Oui, que doit-il penser ce travailleur, sur son lit d’hôpital, dans le quartier des grands brûlés ?

C’est vrai, le philosophe a raison de souligner qu’« à l’heure de la mondialisation, l’évolution prise par le capitalisme s’oriente de fait dans une direction où les conditions du respect de soi risquent d’être considérablement meurtries ».

Mais s’oppose-t-il alors à celui qui écrivait ici même, le 9 janvier dernier, que « la population réunionnaise apprécie de vivre dans un État de droit, avec ses imperfections qu’il nous faut ensemble corriger » ? Assurément pas, d’autant que nous ne faisons que rejoindre le philosophe qui dit que « l’une des questions majeures de notre époque est de conférer aux méprisés et aux exclus la force d’articuler leurs expériences dans l’espace démocratique ». Aux méprisés, aux exclus, certes mais aussi aux victimes. A toutes les victimes surtout...

Et d’exemples, nous n’en manquons pas.

Raymond Lauret


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