Projet de réforme des droits de préemption

L’avenir des Etablissements Publics Fonciers se joue-t-il ce mercredi 21 Octobre à Paris ?

20 octobre 2009

Ce mercredi 21 Octobre à La Défense à Paris, sur proposition de Madame Cécile Delevaux de la Direction des Politiques foncières, se tient « une réunion d’échanges » à laquelle sont conviés l’ensemble des Etablissements Publics Fonciers (E.P.F.) de France.

Il s’agit pour la responsable ministérielle de se faire une idée sur le niveau d’inquiétude qui est en train de s’amplifier depuis qu’a été rendue publique la proposition d’une « Loi de simplification et d’amélioration de la qualité du Droit » présentée par un Député, M. Warsmann, et dans le cadre de laquelle « les droits de préemption » vont faire l’objet d’une réforme.
Réunis en Assemblée Générale à Strasbourg ce vendredi 16 Octobre, les E.P.F. venus de toute la France et également de La Réunion se sont émus d’une initiative qui, sous couvert de « simplification », constitue en fait une lourde menace sur les possibilités des collectivités locales de poursuivre, à un prix raisonnable, la maîtrise du foncier dont elles ont besoin pour notamment la réalisation d’indispensables opérations de logements sociaux pour leurs populations concernées.

En autorisant le représentant de l’Etat à déléguer à un établissement public foncier le fameux droit de préemption, le législateur a, évidemment sans l’écrire, voulu éviter aux élus locaux concernés par l’acquisition d’un foncier dont leurs collectivités respectives ont besoin de se retrouver face “au vendeur” dans une relation pouvant être pour le moins déséquilibrée. C’est en effet une évidence : dans toute opération où l’objet à acquérir est, c’est le cas pour le foncier, une denrée rare, le vendeur est en position de force pour en fixer les conditions.
Un E.P.F., dont la fonction est d’acheter au bénéfice des collectivités pour des projets d’intérêt public avéré, dispose du savoir-faire et des moyens pour “protéger” ces dernières. Citons, par exemple et tout d’abord, l’obligation que se fait tout E.P.F. de consulter systématiquement le “Service des Domaines”, lequel service est spécialisé dans la détermination du prix des terrains. Citons encore le fait que l’E.P.F. pourra toujours négocier avec le vendeur dont l’attente était supérieure au prix fixé par les “Domaines” en lui proposant notamment qu’il lui soit laissé une partie de son terrain, laquelle bénéficiera forcément de la viabilisation générale que la collectivité y apportera. Citons également, c’est en tout cas ce qui se fait à La Réunion, la possibilité pour un E.P.F. d’initier des accompagnements tant du Conseil Général que des E.P.C.I. (Etablissements Publics de Coopération Intercommunale) visant à minorer le prix d’achat par toute Commune de terrains destinés à la réalisation de logements sociaux. Le Département et les E.P.C.I. de l’Ile de La Réunion se sont engagés à y participer alors chacun à hauteur de 20%. Pour les budgets communaux, cela n’est point neutre, loin s’en faut. Enfin, un E.P.F., grâce à la Taxe Spéciale d’Equipement (T.S.E.) qu’il perçoit, pourra consentir aux collectivités des délais de remboursement de leurs achats. Cela aussi représente un plus indéniable pour nos villes.

En disant, dans des “Dispositions applicables au droit de préemption urbain” (Section 2, L.213-12), que « L’acquisition de l’immeuble ou des droits immobiliers intervient au prix mentionné dans la déclaration d’intention d’aliéner ou, en cas d’adjudication, au prix de dernière enchère ou de la surenchère » , la réforme choisirait d’écarter l’élément modérateur, voire vertueux, que se trouve être le Service des Domaines, un service dont les spéculateurs patentés aiment à se plaindre de l’intransigeante sévérité quand il s’agit de fixer le juste prix de biens dont ils se servent pour se monter de trop faciles fortunes.
A Strasbourg, il l’a été dit : « Notre principale crainte concerne l’article L 213-12 qui prévoit que l’acquisition intervient au prix de la D.I.A. Cette disposition aura certainement pour conséquence le dépôt de D.I.A. à des prix surévalués (sans garantie qu’il y ait un acheteur) afin d’inciter la puissance publique à préempter le bien à un prix élevé. Etant titulaire du D.P.U. sur plus de 4.000 hectares, si cette disposition était acceptée, il est certain que nous serions dans l’obligation de redonner le droit de préemption aux collectivités » (Jean-Louis Grandvaux, Directeur de l’E.P.F. de La Réunion).
Pour ma part, au moment où les élus locaux, toutes opinions confondues, se retrouvent dans les propos de M. Jean Léonetti, vice-président du groupe U.M.P. à l’Assemblée nationale, (« La réforme — de la taxe professionnelle — est complexe, déstabilisatrice pour la majorité, car on n’en connaît pas l’organisation… Elle se télescope avec la réforme des collectivités territoriales, or, on a besoin de clarté. Une réforme à laquelle les gens n’adhèrent pas, et qui n’a pas de visibilité, c’est la pire des choses. D’autant que derrière la collecte de l’argent se dessine toujours un projet politique… »), je crois légitime de dire que nous ne pouvons pas accepter comme une fatalité l’idée que certains veulent imposer et selon laquelle le foncier peut être de plus en plus cher puisqu’il est de plus en plus rare ! La Terre ne nous appartient pas. Faut-il le rappeler : elle a été un jour seulement mise à notre disposition pour que nous en fassions le terrain de vie des hommes qui n’ont qu’elle où vivre.

Raymond Lauret


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