L’étudier, à la rigueur. Mais l’apprendre ?...

29 janvier 2005

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Pour convaincre les autres, il est indispensable que l’on soit, soi-même, convaincu de ce que l’on expose. Mais cela ne saurait suffire. Il faut encore que l’on ne soit surtout pas “convainquant”. Contentons-nous d’être convaincant tout simplement, surtout si l’on a choisi d’écrire en français.
Telle fut en substance la remarque - amicale remarque - d’une de mes proches, censeur intransigeant de mes errances lexicales, après mon billet d’hier. Remarque justifiée s’il en est et qui ne me fit pas rougir de honte, le correcteur automatique de l’ordinateur traiteur de textes de “Témoignages” en étant à mon sens le grand responsable.
Remarque justifiée sur la forme et qui, n’eut, chez mon interlocutrice, aucun effet négatif quant au fond. "Oui, me dit-elle, il n’est pas correct ni juste d’affubler l’expression créole de guillemets désobligeants et dévalorisants lorsque, dans un texte, on choisit d’utiliser l’une ou l’autre de nos langues créole ou française pour nous exprimer".
Ce point de vue s’impose.
Celui qui lé pas la ek sa perdrait toute saveur si on tentait de nous faire gober cela à la française. Reconnaissons que "il ne se sent pas concerné par cette chose" est d’une fadeur qui se remarque à côté de "lu lé pas là ek sa" !
Lorsque l’on écrit : "Yasser Arafat fut le leader charismatique de la cause palestinienne", on ne met pas de guillemets au mot anglais qui nous vient à l’esprit et sous la plume et qui a plusieurs synonymes de souches françaises.
De même, on peut très bien partir en week-end sans nous encombrer de ces petits signes qui ont pour vocation de laisser croire que nous serions en présence d’un “vilain petit canard”. Et avez-vous noté qu’un boug de La Réunion va dire que lu aussi lu ça va en week-end ek son madame et son trois zenfants, montrant ainsi, et j’en aurai fini, que l’essentiel finalement est de se faire comprendre, sans complexe, dans une langue que votre interlocuteur assimile parfaitement et naturellement.
J’ai toujours trouvé que le “Papangue ek ti roquet” de Daniel Vabois était porteur de bien plus de messages que “Le corbeau et le renard” de Jean de La Fontaine, la morale de l’histoire étant la même chez l’un et chez l’autre, mais le rire déclenché tout à l’avantage de notre conteur à nous.
C’est la grande beauté de notre langue maternelle qui s’apprend sur les genoux de notre mère et dans les cours de récréation de nos écoles que je veux ici souligner. Serait-elle ce qu’elle est s’il avait fallu aller à la fac pour la rencontrer ? L’étudier, à la rigueur si j’en ai envie. Mais l’apprendre ?!!!...

Raymond Lauret


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