Dans l’excellent bouquin qu’il vient de publier et tout au long des 255 pages duquel "pour l’amour du jeu", il se demande "où va le foot français ?", Jean Philippe Bouchard, rédacteur en chef “France Football”, parle avec respect de Fernand Sastre.
Fernand Sastre aimait le foot, même s’il n’en fut "qu’un piètre pratiquant". Il l’aimait au point de ressentir que le football français méritait mieux que "l’encéphalogramme bas" qui le caractérisait, la troisième place en Coupe du Monde de 1958 en Suède étant le pic qui ne devait tromper personne.
Quand en 1972 il est élu à la présidence de la Fédération Française de Football, Fernand Sastre convainc l’Administration des Impôts où il est inspecteur, de le détacher à temps plein à la F.F.F.. Un énorme travail l’y attend. Il s’y jette corps et âme, "à l’œuvre, nous dit Jean Philippe Bouchard, dès six heures du matin jusqu’aux heures tardives de la nuit, à tel point qu’il passe parfois ses quelques heures de sommeil quotidien allongé sur son bureau, trop fatigué pour regagner son domicile de Vincennes, à l’autre bout de Paris..."
De tout ce qu’aura entrepris Fernand Sastre - et la liste est longue - retenons une remarquable politique dans l’immense domaine de la formation, avec une arrière-pensée dont ni lui, ni les directeurs techniques avec qui il partageait la même foi n’en faisaient mystère : faire du modèle français une référence dans le monde entier. Ce sera la création de centres de formation (Vichy, Clairefontaine), puis l’incitation, suivi de l’obligation aux clubs pro de se doter de structures de même type. Parallèlement, il sera imposé à pratiquement tous les échelons du football français des éducateurs brevetés d’État... Et c’est ainsi que, en très résumé, quelques années plus tard, on retrouvera dans les plus grands clubs et dans divers pays du monde joueurs et entraîneurs français formés à l’école française. Nous avons en tête des dizaines de noms.
Il est un point sur lequel Fernand Sastre, gestionnaire hors pair et haut fonctionnaire de l’administration des impôts, n’a pourtant pas beaucoup avancé. Alors qu’il réussissait magistralement l’organisation de la Coupe du Monde de 1998 pour, cruel destin, décéder deux jours après la cérémonie d’ouverture, "il n’avait pas réussi à trouver ou à justifier un statut fiscal particulier pour les joueurs français",... écrit Jean-Philippe Bouchard.
La L.R.F. n’est pas la F.F.F.. Mais tous ceux qui connaissent Yves Éthève et ses co-listiers, soulignent leur souci que le football réunionnais s’adosse à une bonne politique de formation et que l’argent public y soit pour la part qu’il faut y affecter.
Cette conviction s’est traduite et se traduit par une volonté jamais prise en défaut de doter notre foot d’un corps de formateurs de qualité.
Évidemment, les choix qui remontent de la D1P sont trop souvent plutôt faits de recrutements extérieurs (aux clubs ou au pays) avec, à la clé, des indemnités qui sont des salaires déguisés. Car, comme Fernand Sastre et la F.F.F., Yves Éthève et les membres de la L.R.F. n’ont pas encore trouvé où justifier à un statut fiscal acceptable pour le Football réunionnais. Mais ils savent qu’ils ont encore quelques années pour parachever leur œuvre. D’où l’impulsion que le président de la L.R.F. a donné pour que nous ayons une Commission Départementale de Contrôle et de Gestion (C.D.C.G.) qui fasse autorité. Dans le suspense que la F.F.F. avait entretenu sur l’appel de l’A.S. Chaudron, n’avait-il pas indiqué qu’un désaveu de l’instance fédérale entraînerait sans doute la démission des membres de la commission et, dans la foulée, sûrement la sienne ?
Dans le style assez brouillon qu’il affectionne, Yves Ethève vient tour à tour de rappeler : d’un, qu’il faut "mettre un terme à l’hypocrisie générale" des doubles salaires dans le foot mais également là où, dans d’autres sports, ils existent (1er mars) ; de deux, que ces salaires relèvent "d’un accord qui entre dans les rapports amicaux" et que ça ira "tant qu’il n’y aura pas de plainte" (14 mars) ; de trois, que "la loi en la matière n’est pas compliquée... chacun doit savoir où il va et avec qui il va... la ligue n’a aucune intention de se lancer dans une chasse aux sorcières..." (le “JIR” de ce 15 mars).
C’est brouillon. Mais, pour ceux qui ont appris à décoder Yves Éthève, cela veut dire qu’il y a des “sorcières” et qu’il y a une C.D.C.G..

R. Lauret