L’inépuisable espérance d’Odette Ribéro

3 février 2006

C’est une vieille bâtisse comme on n’en ferait plus de nos jours de foncier rare et cher et qui, en plein cœur de Paris, entre les Invalides et la Tour Montparnasse, abrite l’hôpital Necker. Ici, les enfants gravement malades y rencontrent de prestigieux spécialistes. Je m’y étais rendu il y a bien longtemps et je n’ai pas oublié les murs et les couloirs tristes de ces pavillons qui ont eu leurs temps de gloire architecturale. En témoignent ces grands noms qui leur ont été donnés, au nombre desquels celui du Professeur Robert Debré.

À l’hôpital Necker, je ne pouvais pas ne pas m’y rendre, pendant les quelques instants qu’il m’a été possible de dégager, entre train et avion, à l’occasion de ma mission à Bruxelles.
Au 5ème étage du bâtiment “urgences enfants”, dans l’aile réservée à la “chirurgie vasculaire”, une petite chambre. Sur le lit, un petit garçon. Je le savais, il est malgache, cela se voit. Rongé dans toutes ses parties buccales par une sale maladie qui sévit dans bien des pays pauvres de notre planète, son visage me bouleverse. Les médecins de Necker se devaient, pour tenter de le sauver, de réussir l’exploit scientifique qui mutile physiquement et que la chirurgie esthétique tentera de corriger tant bien que mal quand l’essentiel sera gagné.

Pour l’heure, Tahiry, neuf ans, veut s’en sortir. J’ai passé quelques courts instants à le regarder. C’est terrible, ce yaourt si nécessaire pour le soutenir et qu’il lui faut avaler à l’aide d’un petit tube flexible introduit à travers une des deux trouées réalisées là où se trouvait sa bouche, l’autre des deux servant à un embout qui l’aide à respirer... C’est terrible, ces larmes qui coulent alors sur ses joues pour se mêler aux suintements sanguinolents des plaies qui doivent s’aérer pour espérer sécher...

Depuis maintenant plus de 15 jours et pour deux semaines encore, la soixantaine et le visage aguerris par une inépuisable espérance devant les défis de la misère des autres, Odette Ribéro veille sur Tahiry, “son fils” ramené de “là-bas”, comme il y a 20 ans elle avait ramené de Madagascar, de là-bas, Tahiana et Anne-Marie. Elle veille sur Tahiry, répond calmement à ses moindres murmures, à ses clins d’œil et à ses appels des mains ou des pieds. Parfois, à son sourire aussi. Un émouvant langage de signes qu’elle comprend et auquel elle répond dans la seconde.

Odette Ribéro... Oui, c’est elle, elle que nous sommes nombreux à “Enfants du Monde - Réunion” à avoir connue, accompagnée, soutenue à la tête des 1200 parrains et marraines de petits enfants malgaches et de leurs familles. Odette Ribéro... Nous n’avons pas oublié l’image de son dévouement qui sortait de l’extraordinaire, son indéfectible acharnement à développer et à animer une chaîne de solidarité qui interpellerait les nantis que nous sommes tous quand nous voulons bien regarder ceux qui, à nos portes, survivent en fouillant les décharges.

Revenue dans son pays natal, elle est restée arrimée à la terre de la Grande Île. À Marseille où elle vit, elle a fondé “St Jérôme Partage et Développement Madagascar” pour que l’œuvre commencée ailleurs se poursuive là, avec d’autres...

À l’hôpital Necker, dans la petite chambre où elle a emmené de quoi pouvoir entretenir la flamme de ceux qui l’accompagnent dans sa croisade, dans la petite chambre où un matelas plié dans un coin de la salle de bains indique bien que c’est ici qu’elle passe ses jours et ses nuits, Odette Ribéro tremble et s’inquiète, s’épuise, prie et espère sans jamais le montrer. Elle nous interroge par son regard qui déborde de cette grandeur qui appartient aux gens d’exception et où nulle résignation ne pointe le nez.

Dans l’agenda de la Région Réunion que je lui ai laissé en signe d’amitié, j’ai écrit quelques mots : "À toi qui as épousé la plus belle des causes : celle de ceux que Dieu a abandonnés à notre amour de Dieu...". Et puis, après l’avoir embrassée, je suis allé un peu plus haut où dans l’église Notre Dame des Champs, en toute humilité, j’avais quelque chose à dire à quelqu’un.

 R. Lauret 


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