La grande faucheuse, stupide et à côté de la plaque...

29 juillet 2005

(page 2)

Thierry Jean-Pierre dérangeait. Du moins a-t-il dérangé le pouvoir, qu’il soit de droite, qu’il soit de gauche. Et il y avait de quoi.
"Contre la corruption, le crime organisé, le blanchiment de l’argent sale et les grands trafics internationaux, écrivait-il, la justice a besoin de mobiliser tous les moyens de l’État... Au lieu de cela, les juges sont cloués au pilori de l’establishment politico-économique... Ils sont la cible de cette aristocratie d’État qui n’a aucun intérêt à ce que le paysage institutionnel change. Les juges, certains juges, se heurtent de front à une haute technocratie agissante à qui tout profite et qui sacrifie systématiquement l’intérêt général à ses intérêts particuliers.”
Ainsi pourrions-nous dans ces quelques lignes, trouver ce qui résume sans doute le mieux le grand dessein que Thierry Jean-Pierre s’était donné : dénoncer l’espèce de consensus que notre société a trouvé pour que les grands décideurs de la vie politique et du monde de l’économie se liguent contre ces juges intrépides, voire même insolents dans l’opinion qu’ils peuvent oser se permettre d’exprimer devant et face à ce qu’il est convenu d’appeler "le droit des plus forts".
Sur ce point, Thierry Jean-Pierre expliquait dès 1996 que "le champ est désormais libre, et la droite au pouvoir réalisera peut-être ce dont les socialistes avaient rêvé : arrêter les juges. Tout est bon pour y parvenir : réforme, avortée, de l’abus de bien social, préparation d’un projet de loi limitant les pouvoirs du magistrat instructeur, réforme du secret de l’instruction, annulation de procédures et brillantes promotions pour les plus démunis."
Bien avant une époque où, sur une autre scène, nous sommes de plus en plus nombreux à dire que la démocratie représentative a atteint ses limites et à regretter que les lois de la République continuent à consolider cette démocratie comme on gave les oies pour mieux en profiter et plus vite les égorger, le juge rebelle avait clamé, qu’en matière de justice, "la France est immobile, impossible à réformer", car les hommes politiques qui font ses lois et leurs décrets d’application, "préfèrent se protéger et protéger l’establishment qui fait et défait leur carrière." Et d’ajouter : "L’exercice de la démocratie y demeure confisqué, les rênes du pouvoir restent toujours aux mains des mêmes hommes, ceux qui possèdent à la fois l’information et l’argent, qui pantouflent à leurs heures et qui - luxe délicieux - se chargent eux-mêmes de leur propre contrôle..."
Thierry Jean-Pierre n’était pas, en Europe, le seul juge qui pensait ainsi, même si, sans doute, ne sont-ils pas bien nombreux ceux qui ont osé dire haut et fort qu’il est honorable de se battre contre le courant, lorsque c’est pour une société où la loi serait la même pour tous.
Il lui a manqué du temps pour mener à son terme le combat qu’il avait choisi de faire sien. La grande faucheuse, stupide et à côté de la plaque, l’a ravi à une société qui, petit à petit, s’habituait à trouver que nous n’étions pas assez nombreux à le rejoindre.
Sûr qu’au Cimetière du Père Lachaise où il repose désormais, ceux qui sont venus le saluer ne font pas partie de cet establishment dont il a dénoncé le conservatisme calculé...

R. Lauret


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