La lettre à Thérésien Cadet

11 juin 2007

Thérésien Cadet : « Certains le décrivent comme un personnage timide, d’autres comme quelqu’un de réservé. Pas de forfanterie, ni de suffisance dans son attitude, mais beaucoup de discrétion et de sagesse. Issu d’un milieu social très modeste, exceptionnellement brillant, il a, par un travail assidu, atteint les plus hauts cimes du savoir et est devenu le spécialiste incontesté de la flore des Mascareignes... ».
Partant de cette opinion, Serge Chesne, Maître de Conférences, et Claire Micheneau, Docteur en Écologie et Biologie végétale, tous deux enseignants à l’Université de La Réunion, ont réalisé un petit ouvrage sur celui qu’il sont dénommé “Le Scientifique aux pieds nus”...
Samedi, suivant le professeur Raoul Lucas dans son évocation jeudi dernier à l’Université de l’enfance... jusqu’à son succès à l’Agrégation... de Thérésien Cadet, je m’étais efforcé de montrer combien l’école de La République a pu être un fabuleux détecteur des génies qui ne manquent pas dans les milieux les plus modestes de notre société.
Je vous propose aujourd’hui de larges extraits de la “Lettre à Thérésien Cadet” que Serge Chesne lui a écrite à l’occasion de la sortie en juin de cette année de son ouvrage, soit quelque 20 ans après son décès le 2 février 1987.

« Bonjour, Monsieur Thérésien Cadet
Non, vous ne me connaissez pas, et, enseignant-chercheur en Biochimie, je suis un parfait ignorant de votre discipline.
De mon côté, j’ignorais tout de vous, enfin presque tout ! Le hasard a fait que j’habite “rue Thérésien Cadet”, à Sainte-Clotilde, et j’avais tout de même associé à votre nom la qualité de botaniste.
Vous avouerais-je que j’ignorais également ce qu’est la botanique ? Ou du moins, comme la majorité des gens, je suppose, j’avais de votre fonction une idée, pas méchante à mes yeux, mais préconçue : un dilettante, cueilleur de plantes, avec, comme revers de la médaille, la description fastidieuse du moindre détail des échantillons collectés.
Et puis, un jour, j’ai “passé le pont et proposé mes services comme bénévole à l’association “l’Herbier Universitaire de La Réunion". Et, bien entendu, après un certain temps d’adaptation, d’observations, de sorties sur le terrain, d’échecs également, liés au mauvais séchage d’échantillons ou, pire, à l’absence de prise de notes sur le lieu de la collecte, j’ai fait amende honorable et je reconnais volontiers que la rigueur scientifique n’est pas l’apanage des seuls scientifiques de paillasse.
J’ai eu pour mission de numériser les 12.000 planches que compte actuellement l’herbier et j’ai été littéralement époustouflé par la fréquence inimaginable avec laquelle votre nom était donné comme collecteur d’échantillons. Vous comprendrez sans peine que, ma curiosité étant éveillée, j’ai eu envie de mieux connaître celui qui a tant fait pour la flore de son île. J’ignorais alors que ce que je voyais n’était que la partie émergée de l’iceberg.
... Les témoignages de personnes qui vous ont côtoyé confirment de façon unanime l’importance de votre investissement. Vous êtes décrit comme un homme humble, discret, mais passionné, épris de son île ; et également comme un homme de Sciences méthodique et rigoureux, efficace, allant au fond des choses, autrement dit le contraire d’un homme superficiel. Votre long et patient travail de recherche sert toujours de référence aux jeunes chercheurs et présente un patrimoine scientifique et culturel inestimable que vous léguez aux générations futures.
Votre engagement dans des activités pédagogiques relevant de la formation permanente, qu’il s’agisse de votre action auprès des professeurs du second degré ou des exposés et conférences réalisés en direction du grand public, honore et donne de vous l’image d’un serviteur de l’Etat telle qu’on peut le rêver : vous vous mettez réellement service du public. Certains de vos anciens élèves de l’Ecole Normale ne peuvent exprimer leurs souvenirs sans qu’une grande émotion n’émaille leurs propos, et ils se rappellent, comme si c’était hier, la qualité de votre enseignement, la passion avec laquelle vous le faisiez, passion que vous saviez également transmettre.
Puisque vous êtes décrit par tous comme un homme de grande modestie, votre engagement dans de nombreuses structures relevant des collectivités nationales ou territoriales ne peut traduire la recherche d’honneurs personnels, mais plutôt la conception noble que vous avez de la citoyenneté : participer à la vie de la cité en conciliant “intérêt de la collectivité" et "qualité de la vie", ce dernier point étant confondu avec la préservation des milieux naturels.
... Un dernier point, si vous le permettez : vous observerez que j’ai rédigé l’essentiel de cette monographie au présent de l’indicatif, tout simplement parce que vous êtes parmi nous.
Vous êtes, et serez toujours présent dans le cœur des Réunionnais ».

Une question me vient alors à l’esprit : qui saura poursuivre l’œuvre de Thérésien Cadet ?

Raymond Lauret


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