“La vérité d’un homme, c’est d’abord ce qu’il cache...”

19 février 2007

« Jacques et Paul. L’avocat mondialement réputé et l’homme politique arrivé au faîte du pouvoir. Tous deux énigmatiques, craints ou honnis, adulés ou détestés. Les frères Vergès. Une double légende d’ombre et de lumière. C’est après la tempête Urba, à l’occasion d’un voyage à La Réunion, sur les lieux de mon enfance, que je les ai rencontrés pour la première fois. Une terrible rumeur les escortait. Violences révolutionnaires, réseaux clandestins, complicités terroristes, complaisances totalitaires, amitiés troubles... Que ne disait-on sur eux ?
J’ai voulu savoir.
Des révoltes du tiers-monde aux arcanes de l’Internationale communiste, des putschs d’Afrique aux mystères de l’Asie, des archives judiciaires aux secrets d’État, mais aussi de De Gaulle à Mao, ou encore de Barbie à Carlos, j’ai cherché à décrypter la vérité de leur engagement, le sens de leur destinée.
Je les ai questionnés. J’ai enquêté. J’ai plongé au cœur de ce siècle dont Vergès et Vergès ont voulu partager le bruit et la fureur.
Une investigation qui, je l’ignorais au départ, me forcerait à aller voir de l’autre côté du miroir ».

C’est ainsi que l’ancien juge Thierry Jean-Pierre résumait, en quatrième de couverture, le livre qu’il consacra en 2000 à Paul et Jacques sous le titre : “Vergès et Vergès. De l’autre côté du miroir”.

Celui dont nombre de Réunionnais de ma génération ont bénéficié des enseignements du père comme prof de math au lycée Leconte de Lisle, ne verra pas ce lundi soir, sur RFO, dans l’émission “Le grand échiquier”, le film de presque une heure que Christophe Debuisne et Bernard Gouley consacrent aux deux célèbres frères dont le cadet des soucis - du moins l’ai-je senti derrière le même sourire qu’ils affichaient l’un et l’autre quand la brûlante question leur était ici et là bas posée - est qu’ils soient jumeaux ou pas. L’essentiel pour eux - et aussi pour nous - n’est-il pas simplement qu’ils soient nés... le jour de leur naissance !

Thierry, de son nom Jean-Pierre, est décédé fin juillet 2005, « la grande faucheuse, stupide et à côté de la plaque », avais-je alors écrit ici même, l’ayant « ravi à une société qui, petit à petit, s’habituait à trouver que nous n’étions pas assez nombreux à le rejoindre » dans son combat à contre-courant, « pour une société où la loi serait la même pour tous »...
Son livre - un des nombreux qu’il a écrits - ne laisse dans l’ombre aucun recoin de la vie des deux hommes qu’il a qualifiés « d’exceptionnels témoins du siècle” . Tout y est évoqué, fouillé, analysé et donc, si on veut, révélé. C’est que Thierry Jean-Pierre avait choisi les règles : il saurait se hisser à la hauteur de l’exigence d’André Malraux pour qui, rappelait-il, « la vérité d’un homme, c’est d’abord ce qu’il cache ». Il a donc cherché, il a fouillé, il a trouvé et il a dit.
Le film de ce soir, s’il ne va pas aussi loin - et ce serait normal - que l’ouvrage de Jean Pierre, aura aussi mérite de nous inciter à nous précipiter en librairie.

R. Lauret


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