Le quart d’heure de Maud Fontenoy

12 octobre 2006

Quelqu’un - George Bernard Shaw - a dit un jour que, parmi les hommes, "il y a ceux qui voient le monde tel qu’il est et qui demandent : pourquoi ? Et il y a ceux qui voient le monde tel qu’il pourrait être et qui se disent : pourquoi pas ?".

Nous sommes, convenons en, bien plus nombreux à appartenir à la première catégorie. Les seconds, qui voient la Terre telle qu’elle pourrait être, ont les yeux écarquillés, les narines gourmandes d’air frais et les muscles déjà tendus vers l’effort qu’il va falloir consentir pour voguer vers les autres rêves de la vie. Ils ne tiennent pas en place et trépignent d’impatience à l’idée de donner une autre dimension à leur destinée. Ceux-là osent le saut vers un inconnu dont ils s’efforcent de deviner de quoi il pourrait être fait.

Maud Fontenoy est de ceux-là... En 2003, elle affronte à la rame et en solitaire l’immense océan Atlantique. Elle a vingt six ans, l’âge où d’autres songent au bonheur tranquille d’un foyer heureux. Elle vaincra l’Atlantique. Et le bonheur tranquille attendra...

Quelque temps après, ce sera le Pacifique, du Pérou à la Polynésie française, cernée par les requins, les pirates et les tempêtes, mais aussi portée par une belle escorte de dauphins et de baleines, sous un ciel étoilé ou teinté de la féerie des couleurs des couchers de soleil. Pendant près de trois mois, la jeune femme est seule au monde et avance vers le plus grand des bonheurs : un petit bout de Terre ferme sortie de l’océan immense et un bouquet de fleurs avant un bain d’eau tiède et parfumée.

Quand, plus tard, elle écrira le livre qu’elle devait à tous ceux et à toutes celles qui savent qu’il y a en elle un être d’exception, sans nulle malice à notre intention, elle nous apprendra qu’à bord, elle s’est "autorisée à emporter un petit miroir de poche, de la crème pour le visage, une pince à épiler, un déodorant et deux rasoirs jetables. Aussi dérisoire que cela puisse paraître, ces objets sont dans les moments difficiles un moyen imparable pour redevenir moi-même et retrouver le sourire". Et on la croit volontiers quand elle rajoute : "C’est un réel plaisir en mer que de pouvoir prendre un quart d’heure de temps à autre pour m’épiler, me mettre de la crème et me coiffer. Aussitôt après, curieusement, je me sens plus à l’aise, plus heureuse, rechargée d’une énergie nouvelle. Bien sûr, mes douleurs physiques sont toujours présentes, mais mon moral va mieux et je peux repartir au combat".

Désolé pour ceux qui voyaient en Maud Fontenoy une seule athlète aux biceps saillants, peu soucieuse de ces petites choses qui comptent dans la vie d’une femme. Mais il est vrai qu’en regardant notre héroïne, on ne manque pas de se dire que la force vraie n’est peut-être pas que dans notre musculature déployée.

Et ce week-end, ce sera dimanche, quand elle s’écartera du quai du port de la Pointe des Galets où son embarcation est actuellement amarrée, pour s’élancer à la rencontre de son horizon, plus d’un restés à terre aura envie de lui crier bon vent... Bon vent et courage...

Raymond Lauret


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