Le sang ici versé de Franck Stultjens

22 décembre 2005

Au plus fort de l’émotion, lorsque les sanglots secouent les cœurs les plus burinés et que les larmes inondent les visages, que la douleur de ceux qui restent vous touche au plus profond de vous-même, on comprend combien la Terre est aujourd’hui un gros village. C’était hier matin, à la Cathédrale de Saint-Denis, pour la bénédiction du corps de Franck Stultjens.
Après le Frère Arnaud Blunat, curé de la paroisse, Ilco Schuringa et Nassimah Dindar avaient pu aller au bout de leurs propos, lui pour dire qui était celui qui avait rejoint, il y a peu, l’équipe de direction des Brasseries de Bourbon, elle pour rappeler que, toujours et en toutes circonstances, notre île se doit de rendre hommage à ceux qui y travaillent ou qui y ont travaillé.
Nous sommes les habitants d’un gros village... Là-bas aux Pays-Bas, Franck Stultjens s’était un jour senti pousser les ailes de l’aventure pour s’en aller à l’autre bout du monde...
Quelques mois seulement après, juste quelques petits mois, un après-midi de fête. Dans ce pays qu’il souhaitait adopter et où, avec femme et bébé, il comptait bien s’enraciner, la mort, stupide comme on dit, stupide mais cruelle, l’y a fauché.
Dans la Cathédrale, notre Réunion, dans sa belle diversité, s’était réunie pour l’hommage qu’elle devait à celui qui, définitivement, est bien plus désormais qu’un simple étranger de passage. Des travailleurs des Brasseries, pourtant aguerris par les combats de la vie, ne pouvaient retenir leurs larmes. Sans doute, n’avaient-ils même pas eu le temps de connaître ce nouveau directeur financier, comme on se connaît dans ce petit pays de grande camaraderie. Leurs larmes avaient quelque chose de poignant comme pour donner raison à Antonio Macchado qui, déjà, disait que "nous devons avoir des ailes et des racines, mais des racines pour nous envoler et des ailes pour nous enraciner"...
Alors je pensais que le sang ici versé de Franck Stultjens l’avait désormais enraciné au sol qu’il avait choisi de connaître, à quelques heures de là où il est né, à l’autre bout de la Terre. C’était il y a 35 ans...

R. Lauret


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