Les cheveux de Rico Carpaye

6 octobre 2005

Le mardi 14 mars 1978 - c’était il y a moins de 28 ans donc - le Préfet de La Réunion, ou tout au moins la personne chargée de prendre la main en certaines circonstances, envoyait paître le jeune premier adjoint au maire que j’étais alors, quand je lui faisais part de mes plus grandes réserves sur les intentions des gens qui composaient un cortège de plus de cent voitures qui se “préparaient” à descendre au Port pour “fêter” la victoire de M. Jean Fontaine aux législatives du dimanche précédent.
La personne “chargée de prendre la main”, après m’avoir rassuré et assuré que "ordres avaient été donnés au Commissaire de Police et au Commandant de Gendarmerie du Port pour que les termes de la réquisition que le Maire du Port allait prendre aussitôt soient exécutés", s’empressa d’obtempérer “aux assurances” que lui donnèrent les organisateurs de la manif illégale, “assurances” selon lesquelles il n’y aurait que vingt voitures avec dedans, il me fallait bien l’imaginer, des gens très sages, de bonnes compagnies et, ni bourrés, ni préparés à “toute éventuelle riposte”...
Autrement dit, la Préfecture de La Réunion envoya sur les roses la Mairie du Port.
Ce soir-là, un long cortège de nervis sema la provocation ; les cases du Cœur Saignant furent lapidées. Ce soir-là, Rico Carpaye fut tué.
Le Préfet rendit publique “la chronologie des événements (du 14 mars) établie par la Préfecture” : en gros, des badauds s’étaient échauffés, avaient lancé de part et d’autre des galets sur les bandes d’en face et puis, comme il y avait eu un mort, une enquête serait diligentée.
D’enquête, il y eut. Par exemple, on exhuma le cercueil de Rico pour vérifier si la touffe de cheveux trouvée collée à l’essieu d’un véhicule de la Commune de ... pouvait avoir été ceux du jeune homme ! "La touffe de cheveux trouvée collée à l’essieu" dudit véhicule devait avoir une autre appartenance, puisque l’enquête s’arrêta là, net, d’un coup. Ledit véhicule de la Commune de... aime bien avoir collé à son essieu des cheveux d’être humain !!! Mais pas forcément ceux de Rico !
J’ignore si les renseignements qu’a cru devoir rendre publics un responsable de la manifestation de mardi dernier 4 octobre à Saint-Denis reposaient sur une décision ou une intention, s’ils relevaient d’une triste plaisanterie ou si... ou si autre chose encore. Je n’en sais rien.
Ce que par contre je peux dire, c’est que le Maire du Port, vu le niveau de gravité de ce que “la rumeur” pouvait avoir, était parfaitement dans son rôle quand il a demandé à rencontrer le Préfet pour obtenir confirmation que “les bruits” étaient infondés.
On négligea de considérer qu’un Maire a des devoirs, donc quelques exigences quand il se pourrait que “des choses” - qu’il a le droit de juger délicates, ne serait-ce que parce qu’il s’agit de seules rumeurs - concernent sa ville. On négligea de considérer que ce maire peut craindre - à tort ou à raison - que les rumeurs entraînent parfois des humeurs et les rancœurs qui vont avec.
On a négligé cela. C’est une erreur. Une erreur qui justifiait que le Maire du Port réagisse...

R. Lauret


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