Lettre à Sergio...

30 décembre 2005

Je vous ai senti, mon cher président, quelque peu déçu, voire désarçonné, quand, au téléphone tout récemment, je vous disais qu’il ne faudrait sans doute pas compter sur une subvention municipale à la hausse, pour la Jeanne d’Arc.
Comme tous les dirigeants de nos clubs de D1P, vous êtes, je le crois volontiers, soumis à de multiples pressions en ces temps où tout le monde rêve de faire ses emplettes footballistiques.
Pressions des joueurs, en premier lieu, joueurs à qui d’autres clubs font miroiter un avenir doré s’ils osaient. Mettons nous à leur place. Dans un monde où le chômage est une hantise quasi-générale, comment un jeune footballeur pourrait-il ne pas se laisser troubler - en créole, “se faire avoir” - par des promesses qui, comme disait Pasqua à propos d’un autre, "n’engagent que ceux qui y croient..." ? En tant que président conscient d’être aussi éducateur, vous ne pouvez qu’ouvrir les yeux de vos garçons sur le jeu des marchands d’illusions. Il n’y a pas ici de gros efforts à faire. Mille cas peuvent être cités.
Pressions de certains supporteurs, en second lieu. Là, c’est bien plus simple. Appuyez-vous sur les vrais supporteurs des mauves, sur Tonino et sur Théo si demain ce dernier revient au pays. Eux savent l’importance qu’il y a à rester les pieds sur Terre. Eux savent bien que dans toute l’île (ou presque), votre club est cité en exemple par sa gestion rigoureuse et sa gestion de la rigueur. Eux savent aussi que beaucoup de maires de La Réunion commencent, c’est timide mais ça vient, à dire qu’il faut que leurs clubs respectifs cessent de se mettre dans les pas d’un football qui marche sur la tête.
Pressions de quelques dirigeants peut-être aussi et en troisième lieu. Simple à régler. Dites à ceux-là que vous n’avez pas de fortune, que vous avez - tout autant qu’eux - entendu que les dirigeants (vous autant qu’eux... ou, si vous préférez, eux autant que vous) sont responsables devant leurs biens propres des imprudences de gestion qu’ils commettraient ! Dites leur encore que s’ils ont déjà oublié un tout récent exemple vécu à la Jeanne même, vous, vous n’avez rien oublié et même que vous avez retenu la leçon. Dites leur cela, sereinement mais fermement et vous verrez ; ils seront à vos côtés, avec les autres qui vous voient au boulot et qui apprécient d’être à vos côtés.
Et puis, de grâce, n’oubliez pas qu’avec de petits moyens, le Jeanne n’a pas été ridicule en 2005. Elle aurait eu un petit point de plus (un point, c’est un match nul au lieu d’une défaite), et elle se retrouvait en quatrième place. Pas mal, non !
De grâce encore, n’oubliez pas non plus que la Jeanne était promise aux feux des enfers des entrailles de la Terre après la gestion calamiteuse d’avant, dans l’approximation de ses recettes et la réalité des promesses faites et des dépenses qui s’en suivent. Vous avez su redresser une situation qui aurait conduit d’autres au dépôt de bilan.
Votre bilan - pour reprendre ce mot - est plus que positif. Votre bilan, c’est aussi celui de vos collaborateurs, de ces garçons qui n’ont rien à envier à ceux d’autres clubs. Avec peu, ils ont sût faire beaucoup.
Voilà mon cher Sergio, j’en ai fini. Une dernière chose, si vous m’y autorisez : sachez, entre nous, que je ne vous abandonne pas. Ce mercredi, je rencontrais un autre sponsor pour le club de mes années de footballeur. Pas un gros. Simplement un sérieux, avec lequel j’ai évoqué les vertus de la rigueur qui caractérisent votre gestion. Ce sponsor m’a semblé, sinon conquis, du moins d’accord...

R. Lauret


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus