Lieu de vie, livre d’histoire, page de poésie...

31 octobre 2005

Nos cimetières ont tous une âme. C’est l’âme de ceux qui nous ont précédé dans la vie et sans lesquels nous ne serions pas de ce monde. Nous y entrons, porteurs de marques de respect et de reconnaissance, un bouquet à la main, des souvenirs en tête, une prière au fond du cœur. Ce sont en quelque sorte des lieux de vie où le sens de l’humilité nous étreint.
Il est un cimetière où je me rends deux ou trois fois chaque année et au milieu duquel, chaque fois, j’éprouve de la reconnaissance et de l’admiration pour ceux qui l’ont un jour conçu et puis, au fil des temps, qui l’ont bâti. Ce ne sont pas assurément les mêmes hommes puisque ce ne sont pas les mêmes moments. Mais il n’est pas possible de les séparer dans le témoignage.
Le cimetière marin de Saint-Paul est ce lieu de vie, ce livre d’Histoire, cette page de poésie offerts au visiteur, qu’il vienne pour fleurir une tombe ou seulement pour y flâner.
Une qualité de sépultures, tout d’abord. La pierre noircie par l’effet conjugué des décennies et de l’air marin donne de la personnalité à un ensemble qui n’aurait pas un jour échappé - le savait-on seulement ? - à la modernité du marbre. Une modernité qui, d’ici, ne pavane nulles brillances. Tout se fond en un seul tout, aux reflets multi-teintés qui, la nuit, quand la lune l’éclaircit, doit prendre les habits d’une partition pour quelque virtuose de beau talent.
Une signalétique efficace et discrète, ensuite. Vous pouvez déambuler et savoir où vous allez, vers quels personnages qui ont marqué cette île et cette baie vous mènent les pas qui ont, au fil des visites, marqué leurs traces.
Enfin - mais pourquoi donc cet “enfin” ? - posé au creux de l’immense grotte dont on croit volontiers qu’elle huma notre premier peuple, le cimetière marin de Saint-Paul vit dans la tranquillité du coin qui a su faire. À ses pieds, la fraîcheur océane adoucit la chaleur du ciel pour que le temps s’écoule et revit dans le sommeil éternel de ceux qui y ont trouvé leur dernière demeure.
La plage de sable noir qui l’accompagne tout au long de sa route n’est pas son moindre atout. Un dimanche matin, c’était il y a plusieurs mois déjà, j’avais noté qu’elle ne laissait pas seulement muets d’admiration ceux qui la découvrent. Des karatékas des environs - à moins que ce ne fut l’âme des maîtres de quelque temple shaolin de l’Asie profonde - s’y étaient donné rendez-vous. Là, le plus grand des tatamis leur offrait son hospitalité sans limite.
J’ai su ce jour-là que l’on pouvait encore rêver...

R. Lauret


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