Lucie Grondin, au soir de l’ultime rendez-vous

21 octobre 2006

Il est 18h30 et la nuit tombe sur ce coin des hauts de Saint-Joseph. Nous sommes le mercredi 18 octobre. J’ai enfilé mon pull de laine légère, histoire d’être bien dans la fraîcheur de l’air.

Le petit patelin des Lianes s’agrippe là où les chemins qui mènent au Tampon et à la Plaine des Grègues viennent se becqueter avec le barreau qui descend vers le littoral et la route nationale. Dans cette croisée habite pratiquement toute la grande famille des Grondin. Famille honorablement connue et appréciée, Famille qui a beaucoup donné à l’histoire du coin, Famille particulièrement attachante, Famille que l’on décrit avec une majuscule.
Ce mercredi soir, mon épouse et moi sommes venus nous incliner sur la dépouille de Lucie, une amie de longue date devenue, au fil des souvenirs amassés et entretenus, une sœur pour laquelle l’affection se mêle à la fierté que, membre d’un parti politique, on éprouve à savoir qu’elle a choisi la même voie que vous et représente un exemple en bien des points.
Lucie Grondin nous a donc quittés. Sa vie fut remplie de ces combats à mener et menés contre l’injustice, contre tout ce qui est inégalités sociales, obscurantisme, bêtise. Sa vie fut remplie à aimer les autres... Tenez, un seul exemple, on en parlait encore mercredi soir : professeur au collège de “Sang Dragon” à Saint-Joseph, elle accueillait tout simplement chez elle ses élèves qui habitaient trop loin... Cela peut sembler peu de choses. C’est vrai. Mais qui, parmi nous, le fait ? Qui le ferait sans se laisser dominer par les risques qu’il y a à se lancer dans ce qui sort de la norme dans notre monde où oser c’est, trop souvent, s’exposer ?
Autour de Lucie ce soir-là et sans nul doute le lendemain pour ses obsèques, tout le village était venu, autour de sa sœur Hélène et de ses frères André, Maurice et Alain et de tous les autres.
André ? Qui ne connaît pas ce camarade au grand cœur, disponible pour chacun et disponible pour les batailles de son parti communiste réunionnais auquel lui aussi n’a jamais rien demandé si ce n’est de participer pleinement à toutes les réflexions et à toutes les luttes.
Il y a presque 20 ans aujourd’hui, André et son épouse ont eu à faire face à la plus terrible des épreuves que des parents peuvent rencontrer : la disparition de Catherine, leur fille partie un dimanche d’élection tenir son bureau de vote et qui n’est plus réapparue. Vingt ans et, malgré tout, une lueur d’espoir qui ne disparaît pas de retrouver le visage et l’allure volontaires de cette fille que tout promettait à une vie totalement engagée au service des autres.
Des dizaines de visages donc, mercredi soir, dans la fraîcheur d’un patelin, de visages connus ou qui vous reconnaissent, qu’on salue non sans se laisser aller à revivre de vieux souvenirs. Lucie m’aura permis de retrouver, au soir de l’ultime rendez-vous, Aimé Sparton et Arsène Aupin dont, il y a bien longtemps, je fus l’adversaire, moi sous le maillot de la Jeanne d’Arc, eux sous celui de la Saint-Pierroise ou de l’Excelsior. Et puis bien d’autres visages, croisés dans nos meetings ou nos comités politiques, témoins de nos vies engagées autant que fut la sienne...

Raymond Lauret


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