Manifestement, certains ont oublié que l’Europe n’est pas que continentale

20 avril 2005

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Je poursuis ma semaine de repos d’une manière qui pourrait ne pas convenir à Marc Dorémieux, mon médecin traitant et ami du Conseil municipal du Port. S’il savait que, hier mardi, j’étais dans mon bureau, chez moi, dès quatre heures du matin, pour une (très) longue discussion téléphonique avec Claude Lowitz et M. Xu Genbao ! Ces derniers se trouvent à Shanghai. L’occasion pour moi d’informer ceux d’entre vous qui savent que Claude dirige le centre de formation des jeunes footballeurs de la grande métropole chinoise (en fait, une petite île grande comme la moitié de La Réunion et située à 35 minutes de bateau de Shanghai dont elle est une province), que ça à l’air de bien marcher pour notre ami et que très bientôt, le 17 mai très précisément, il sera dans l’île pour des vacances studieuses : un ambitieux projet dans le prolongement de ce qu’il entreprend actuellement.
Comme je vous le disais hier, je lis beaucoup. Et j’ai relu ce que Shantala Hoarau - comme elle ressemble à sa mère, celle-là ! - a exposé à Pierrefonds samedi dernier et que “Témoignages” de lundi rapporte, sous la plume de Manuel Marchal.
Shantala rappelle que l’histoire des relations entre l’Europe et La Réunion est marquée par le système de la dérogation, compte tenu du faible niveau de développement de notre île par rapport à la moyenne européenne. Cela date de 1957. C’est pas d’hier, on le voit !
C’est, tout d’abord, l’Octroi de Mer, le Fonds européen de développement (F.E.D.) qui, précise Shantala, a été inspiré par ce qui prévalait pour les pays du Tiers-Monde.
C’est, encore, le Traité de Rome qui adopte le principe de mesures spécifiques pour les DOM, à côté et en plus de celui du droit commun communautaire qui vaut pour ces dernières.
C’est, par la suite, la reconnaissance unanime, à travers le rapport Ligios, des spécificités de l’Outre-mer européen, de sa valorisation et, dans la logique des choses, les programmes POSEIDOM qui consacrent que notre éloignement et notre insularité rendent légitime tout un programme optionnel et spécifique pour les DOM.
Tout cela est-il aujourd’hui sauvegardé, avec le projet de Constitution ? Sur l’interrogation planent le doute et l’inquiétude. Nous sommes loin d’avoir assuré notre développement dans un espace géographique dont l’accès nous est toujours difficile. Or la règle de l’unanimité des 25 États-membres de l’Europe nous pousse à penser que l’esprit et la lettre de la directive Bolkestein (dont le Premier ministre de la Pologne disait que "le concept de pays d’origine en est un pilier" et que "le but ultime est une totale libéralisation du marché des services" nous seront appliqués, à nous DOM et RUP, parce que, ce que nous avons pu acquérir et sauvegarder dans une Europe à 12, cela ne le sera plus aujourd’hui que l’Europe s’est élargie.
Nous ne voulons pas dire qu’il ne fallait pas élargir l’Europe. Nous disons qu’il fallait sauvegarder, mais de manière verrouillée, notre spécificité de petite région insulaire et éloignée, qui a le taux de chômage que l’on sait.
La société italienne Ansaldo peut venir travailler dans notre île et trouver absolument normal de sous-traiter un poste “soudure” à son partenaire thaïlandais. Et ce n’est là qu’un début de ce processus de "concurrence libre et non faussée" que précise le projet de Constitution et que Élie Hoarau dénonçait jeudi dernier à Paris, au meeting du Zénith.
Croyez-vous, croyons-nous un seul instant qu’au nom de la concurrence libre et non faussée, la S.B.T.P.C. ou la G.T.O.I. auraient une seule chance de pouvoir aller livrer bataille sur les appels d’offres en Italie, en Lituanie ou en Pologne ?
Notre éloignement et notre insularité ainsi que la petitesse de notre marché font que nous sommes fragiles. Ce projet de Traité, par l’esprit qui a inspiré sa rédaction sans que les commissaires français Pascal Lamy et Michel Barnier ne s’en émeuvent alors, n’est pas bon pour nous.
Manifestement, certains ont oublié que l’Europe n’est pas que continentale. Elle est aussi riche de ses frontières actives que sont les RUP et qui lui donnent sa dimension planétaire, Kourou dans le domaine de la conquête spatiale, La Réunion dans celui des espaces maritimes, les Antilles au cœur de l’Amérique...
D’un coup de Constitution, on a voulu raser totalement des années et des années de luttes. On les laisse faire ? On ne réagit pas ?

R. Lauret


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