Marthe et André...

28 novembre 2006

Du haut de sa petite taille, elle avait le visage riant et grave en même temps. Ses joies, elle a appris à les retenir juste pour qu’un voile pudique soit jeté sur les souvenirs qui parfois doivent bien tarauder ses pensées.

Ce samedi 25 novembre, lors de la cérémonie de remise à neuf Portoises et Portois par Jean-Yves Langenier de la distinction de “ citoyen d’honneur” de la ville, en me penchant vers elle pour lui chuchoter à l’oreille mes félicitations et pour l’embrasser, je ne pouvais m’empêcher, l’espace d’une seconde, l’imaginer telle que je ne l’ai pas connue, encore toute jeune fille, lorsque la guerre éclata pour marquer à l’encre rouge de ses millions de morts l’épisode 1939-1945 de l’Histoire du monde.

Elle aurait pu rester saint-andréenne, dans l’Est de l’île, là où ses parents, les Givran, avaient résidé.

A quoi tint-il qu’elle naquit à Saint-Paul le 30 octobre 1922 ? Pour rencontrer celui qu’elle épousera le 3 février 1945 et qui fera d’elle une Portoise pour la vie ? Si, à cette époque, choisissant de croire que son pays gagnera la guerre alors que, par de béantes fissures, les soldats ennemis s’y engouffraient et écrasaient tout sous leurs gros sabots, un Général tout à fait inconnu depuis Londres lança « l’appel du 18 juin » au peuple de France pour qu’il résiste jusqu’à la victoire, pourquoi, deux ans après l’audace du Général de Gaulle, n’aurait-elle pas été frappée, elle aussi, Marthe Givran, jeune fille de vingt ans, par les exploits d’un solide gaillard au tempérament rebelle, au milieu du peuple du Port qui s’opposait, fusils en mains, aux forces vichystes pour que le “ Léopard ” de la France Libre puisse voir se lever sur notre île le drapeau de la liberté ?

Aujourd’hui mardi 28 novembre 2006, Marthe Le Toullec se souviendra d’André, son mari qui souvent nous raconta cette journée du 28 Novembre 1942 : « Il était 9h30 ce jour-là, nous disait-il. C’était l’effervescence. Léon de Lépervanche et d’autres responsables se sont dirigés vers la gendarmerie où ils ne rencontrèrent nulle résistance. Il est vrai que derrière eux, il y avait une énorme foule. Et puis, permettez-moi de penser que les gendarmes pouvaient avoir un gros penchant pour l’esprit rebelle du Général de Gaulle... Nous prîmes d‘assaut le magasin d’armes et c’est munis de fusils et de revolvers que nous nous dirigeâmes vers la mairie, question de signifier au Président de la délégation spéciale qui faisait office de maire que le peuple entendait mettre un terme à un épisode pas très glorieux de l’Histoire...
Puis commencèrent les tractations avec le lieutenant, qui était un vague cousin de Léon. Un lieutenant que ses troupes avaient abandonné pour se mettre à nos côtés ».

Samedi dernier, Marthe Le Toullec avait le visage riant et grave à la fois. Ses joies, elle a appris à les retenir juste pour qu’un voile pudique soit jeté sur les souvenirs qui parfois taraudent ses pensées.

Samedi prochain le 2 décembre en tout début d’après-midi, sur les bords du port ouest, là où André scrutait l’horizon de la France Libre, Marthe aura sans doute besoin de son pâle sourire pour contenir ses larmes lorsque les cendres de Claude, son fils, seront jetées pour être mêlées à l’océan. Là mêm mèm où André, le père de Claude choisissait, il y a 64 ans aujourd’hui, de lutter avec l’espoir de perdre plutôt que d’abdiquer au risque de gagner...

R. Lauret


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