Maud Fontenoy : pourquoi ?

11 octobre 2006

Nous avons tous en mémoire la célèbre citation attribuée à Arthur Clarke : "Quelle idée d’appeler cette planète “Terre” alors qu’elle est pleinement Océan ?"

Maud Fontenoy, assurément, s’est laissée gagner par l’invitation pour le moins pressante qui y est inscrite en filigrane : les mers du globe ne méritent-elles pas de faire davantage partie de nos préoccupations ? Ne doivent-elles pas être davantage un sujet de familiarité et vulgarisé pour les humains ?

Alain Bombard, dans un livre qui fut en son temps un best-seller 1, sut nous conter avec émotion qu’il était finalement possible à celui qui emprunterait la mer d’en survivre, tant cette dernière ne manque pas de richesses que l’homme - le naufragé - peut, avec un peu d’ingéniosité, capter.

Il y en eut d’autres, de ces fous qui n’ont pas alors manqué d’ouverture d’esprit à l’égard des idées nouvelles, qui ont su planifier avec minutie leur courage et leur détermination afin que soit scrupuleusement mesuré le poids du risque à affronter. Et en fin de compte (de conte !) en sortir vainqueurs. Vainqueurs mais humbles.

Il y a peu encore, Raphaëla Le Gouvello 2 offrit au public réunionnais ("l’énorme foule massée tout le long de la darse de pêche et de plaisance du Port", avais-je écrit ici même) l’image d’une femme au corps certes meurtri par des jours et des nuits sans fin à ramer et à guetter le vent et ses tourments, mais aussi, mais surtout, mais encore l’image de la beauté et de la grandeur d’un petit bout d’être humain qu’illuminait une force de caractère et de cœur à rien d’autre pareil.

La mer, dit-on, a toujours été le théâtre d’histoires d’amour, mais aussi de séparations, de dangers, de malheurs insoupçonnés.

Cela, Maud Fontenoy ne l’ignore pas.
Mais, sans doute motivée par la certitude que la mer sait aussi, pour ceux qui ne la craignent pas, être un coin de paradis, elle s’y élance à nouveau.

Elle va aller chatouiller, heureuse et confiante, le nez d’immenses terres, là où ces continents que sont l’Afrique, l’Amérique et l’Océanie font un clin d’œil au Pôle Sud.

C’est que lors de sa récente traversée en solitaire, elle se souvient : "... dans l’Atlantique Nord, un tout petit oiseau blanc avec le dos couleur de jais m’avait tenu compagnie plusieurs jours... La journée, il la passait perché sur la bulle à se faire le plumage et à scruter la surface de l’eau dans l’espoir d’y apercevoir quelque chose à manger... La nuit, il se posait dans un coin du cockpit et faisait le guet pour moi..." 3

Maud Fontenoy s’en va aller, ce samedi ou ce dimanche, chatouiller, à la seule force de ses bras, l’Afrique, l’Amérique et l’Australie avec - qui sait ? - l’espoir de retrouver un petit oiseau blanc au dos couleur de jais et "la mer qui chantonne doucement" sous ses pieds comme pour l’encourager à ne point craindre ses colères passagères...

Raymond Lauret

1 Alain Bombard : “Naufragé volontaire”
2 Raphaëla Le Gouvello arriva à La Réunion, le jeudi 8 juin dernier, après 60 jours de traversée de l’Océan Indien.
3 Maud Fontenoy : “Le Pacifique à mains nues, 7.000 kilomètres et 73 jours d’aventure à la rame” - Préfacé par Patrick Poivre d’Arvor - Editions Robert Laffont


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