Nos Maires, à l’exception d’un seul d’entre eux, ont-ils prêté l’attention qu’il convient à cette lettre ouverte d’un chef d’entreprise ? Pas sûr…

18 octobre 2010

Nos élus municipaux, pourtant particulièrement concernés, ont-ils prêté attention à la lettre qu’un chef d’une entreprise de taille moyenne de notre île a envoyée à la presse ces jours derniers ? L’ont-ils tout simplement vue et l’ont-ils alors lue ? Je crains bien que non. À une exception près, et il est heureux qu’il en eût un, qui a reçu dans sa mairie d’une ville de l’Ouest, le responsable de cette entreprise pour échanger avec lui sur les problèmes posés.
Cette lettre, que nous avons reçue nous aussi et que nous avons évidemment publiée lundi dernier, il ne nous fut pas difficile d’en connaître l’origine et donc d’échanger avec son auteur. Cette lettre nous convie en tous points. Car, et cela, en des termes responsables qui respectent l’ensemble du tissu entrepreneurial qui compose le paysage du BTP de notre île, elle pose la question de la survie de ces entreprises locales qui ont appris, dans nombre de domaines, à faire du bon travail. Elle pose la question de la survie de ces entreprises qui, en ces temps de crise générale qui va sans doute perdurer et en ces temps de raréfaction des crédits dont disposent nos collectivités, font l’effort de tirer les prix au plus justes. Et ainsi assurer du travail à leurs travailleurs.
Cette lettre pose le problème des critères qui sont avancés par les cahiers des charges qui encadrent les appels d’offres. Elle pose la question de savoir s’il est juste et équitable de donner une place disproportionnée aux critères techniques par rapport au critère du prix.
Il ne s’agit pas, précise la lettre de ce chef d’entreprise, que nos maires glissent sur la pente du « n’importe quoi » en négligeant complètement la capacité technique, en moyens humains et matériels, de l’entreprise candidate. Mieux, elle note qu’« il ne s’agit pas pour une CAO d’être dupe de prix fantaisistes anormalement bas ».
Mais lorsque les prix de plusieurs entreprises sont proches, qu’ils sont donc comparables, est-il juste, est-il équitable, est-il tout simplement normal que les critères imposés annulent l’impact du cout des travaux en accordant aux détails des considérations techniques un poids qui va se révéler adapté aux capacités de la grande entreprise ?
J’ai apprécié que l’auteur de la lettre dise qu’il n’est point dans son « intention d’en vouloir à la grosse entreprise (qui) a besoin elle aussi de boulot en ce moment » et qu’il veut simplement « poser la question de savoir s’il est opportun, pour ceux qui inspirent et rédigent les dossiers de consultation des entreprises, d’y introduire des aspects de règlements qui facilitent voire forcent à l’élimination d’autres entreprises, plus petites mais tout autant capables de remplir, dans certains créneaux de la vie économique, un rôle social dans notre île ».
Nous adhérons pleinement à une telle analyse. Elle était la nôtre lorsque, en charge de la Commission d’Appels d’Offres au Conseil Régional, nous avions posé la nécessité de privilégier le critère du prix, sans jamais tomber dans la démagogie. Vis-à-vis d’une entreprise dite moyenne ou petite et qui a fait la preuve de son sérieux dans la réalisation de tels ou tels types de chantiers, vis-à-vis de cette entreprise qui fait l’effort d’être moins-disant pour des travaux qui sont à sa portée, nous avions demandé à nos services techniques ou aux Bureaux d‘études dont nous nous attachions les compétences, que nous acceptions de prendre les risques qu’il n’y avait assurément pas avec l’entreprise structurellement plus importante. Jamais, nous n’avons eu à le regretter. Mieux, nous avons eu, et je n’ignore pas que nous sortions alors du cadre que notre société bien pensante fixe à tout élu, à faciliter le travail de la petite et de la grande entreprise, sur un même chantier pour lequel nous avions choisi un allotissement très large, en incitant les Hommes à se savoir complémentaires. Et à s’apprécier ainsi.
Le "Small Business Act" que la CGPME vient de signer avec le Département est dans la même logique que ce que nous avions mis en place au Conseil Régional, avec une politique volontariste d’allotissement, avec des avances sur marché consenties aux petites et aux moyennes entreprises largement au-dessus de ce que la réglementation autorisait, avec beaucoup de souplesse vis-à-vis de ceux d’entre nos compatriotes qui ne sont pas toujours rodés aux subtilités d’une réglementation souvent tatillonne.
Pour cela, nous ne pouvons que demander à l’ensemble de nos Maires d’oser dire aux bureaux d’études auxquels ils confient le soin de rédiger, en leur nom, les cahiers des charges qui réglementent les appels d’offres dont il leur revient de présider la commission, que l’intérêt général passe par la reconnaissance du savoir-faire que nos petites et moyennes entreprises ont acquis au fil du temps. Sans que cela doive signifier que l’on ne fasse plus jamais appel aux compétences de la "grosse" entreprise quand celle-ci est moins-disant ou que son choix s’impose dans l’intérêt général. L’économie de La Réunion a besoin de tous ceux qui, dans sa richesse entrepreneuriale, ont su se hisser au niveau d’une certaine excellence.
Et, plus que jamais en ces temps de crise sociale lourde, un "appel d’offres" est un acte politique auquel les techniciens apportent une contribution nécessaire. Pas l‘inverse…

Raymond Lauret


Extrait de la lettre du chef d’entreprise publiée lundi dernier dans "Témoignages"

« L’autre mardi, pour les 14 chemins bétonnés, comparée à l’autre, notre entreprise présentait autant de garanties techniques que de tels travaux demandent. Et notre offre financière était la meilleure. De peu certes, mais elle était la meilleure.
Pourtant, nous n’avons pas été attributaires de ce marché. La raison ? Le bureau d’études avait introduit un autre critère, celui du délai d’exécution. Non pas du classique délai maximum, mais d’un délai qu’il appartenait à l’entreprise de fixer en dessous de ce délai maximum. Et là, nous ne pouvions qu’être éliminés, notre concurrent, grosse entreprise de la place, disposant soit de beaucoup de matériels, soit de la possibilité de sous-traiter aux conditions de la sous-traitance en ces périodes de crise que subit le BTP. Et ce critère de délai, le bureau d’études l’estimait à 10% de l’offre, ces 10% étant à prélever, comme par hasard, sur les 60% réservés au critère prix !
Nous nous sommes donc retrouvés à 40% pour les critères techniques, 50% pour les prix et 10% pour le délai.
Se trouvèrent-ils, ce mardi autour de la table de cette CAO, des élus pour demander que le poids de ce dernier critère soit minoré, l’impact d’un tel chantier (6 millions d’euros !) étant bien plus crucial et pesant pour la survie immédiate d’une entreprise moyenne que pour l’avenir de celle qui dispose de moyens pour résister ? »


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