Notre Europe à nous

22 avril 2005

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De ce que Jean-Paul Virapoullé a manifestement voulu laisser comme message mercredi soir lors du débat organisé par RFO, je retiens que face à l’Amérique aujourd’hui, à l’Inde, au Brésil ou à la Chine très bientôt, il faut opposer une Europe forte. En faisant ce résumé, je n’ai nullement le sentiment de me livrer à un coupable raccourci de la pensée exprimée par le leader de la Relève.
Ce dernier n’est pas le seul à marteler cette idée majeure : ne laissons pas les autres devenir seuls les maîtres d’une économie mondialisée, dans sa production, dans sa distribution et dans ses circuits de vente, dans ses réseaux de communication et d’information, dans une mainmise culturelle mac-donaldisée ou cocalisée à souhait. "Déployons, nous aussi, notre Europe à nous, une Europe qui participera elle aussi à tout cela, à côté des autres grands de la planète", est-il dit en substance.

Le leader de la Relève traduit bien, très bien même, l’opinion des grands groupes français qui ont commencé à anticiper une Europe qui se préparerait à entrer dans l’arène où les trompettes des grandes multinationales donnent déjà leur “la” à un monde par eux dominé ?
Lorsque, par exemple, “Décathlon”, installée alors à Roubaix, délocalise son usine de montage de bicyclettes en Pologne, il y a là une application avant même l’éventuelle approbation par les États européens de la lettre et de l’esprit de la directive Bolkestein relative aux services, dans un processus de "concurrence libre et non faussée" . Les pièces détachées continuent à être produites dans des provinces chinoises ou indiennes. Ce qui change, c’est que ces pièces détachées, au lieu de l’être chez nous, en France, sont assemblées en terre polonaise où la main-d’œuvre est moins chère qu’en territoires du Nord et du Pas-de-Calais. C’est simple, c’est clair, c’est dans la logique d’une production mondialisée. Les conséquences ?...
Elles sont de trois ordres.

D’un, le taux de chômage à Roubaix a depuis sensiblement augmenté. Ce n’est pas grave, nous avons les ASSEDIC, nous avons le R.M.I., les C.E.C. et autres emplois aidés ou régimes de retraite et de pré-retraite !
De deux, le grand groupe français qui vend les vélos en France - et à La Réunion - améliore sensiblement ses résultats financiers. C’est une évidence, vu la différence qu’il y a entre les coûts de la main-d’œuvre des deux pays, salaires et charges sociales compris.
De trois, l’outil polonais de production se renforce, dans un partenariat bien compris avec l’outil de distribution français. Et le capital, d’un bord comme de l’autre, se consolide sur toute la ligne.

Et ainsi va le Monde, ainsi irait-il, mené à la baguette par les multinationales de partout et qui cherchent à concentrer leurs unités de production là où cela leur est le plus rentable pour appliquer dans les meilleures conditions leurs stratégies mûrement réfléchies. C’est leur Europe que leur plan de Constitution veut institutionnaliser dès cette année.
Qu’ont à y gagner, dans ce jeu, les travailleurs et ceux et celles qui aspirent à travailler ? Qu’avons-nous à gagner dans ce jeu, dans notre petite région ultra-périphérique insulaire et éloignée, posée au milieu de notre Océan Indien, entre l’Ile Maurice, Madagascar, les Comores, la côte orientale de l’Afrique ?
L’Europe qu’ils veulent n’est manifestement pas celle que nous voulons. Le projet de Constitution qui nous est présenté vise à une ambition dont nous n’avons rien à attendre de bon. Il est légitime que nous leur disions et que nous demandions autre chose. Pour une Europe des peuples. Pas pour une Europe des capitaux.

R. Lauret


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