Monsieur le Secrétaire d’Etat chargé de l’Outre-Mer avait à son programme de vendredi dernier une visite au Stade Lambrakis du Port où il souhaitait venir saluer les joueurs de la Jeanne d’Arc. Après deux journées menées tambour battant à rencontrer les acteurs économiques de l’île et à clamer que notre petit pays est un exemple pour bien d’autres en matière de développement durable, cette petite pause pouvait se comprendre. Sauf que...
Sauf que deux jours avant "l’événement", les invitations furent envoyées téléphoniquement au mouvement sportif de toute l’île par l’intermédiaire de son Comité Régional (CROS). Il était demandé qu’y soient conviés pas moins de 15 Ligues et Comités sportifs pour ce qui prenait alors la dimension d’une « rencontre avec le monde sportif, dont l’équipe de la Jeanne d’Arc ».
Branle-bas de combat chez nos bénévoles : une telle occasion ne se néglige pas. Contacté, Sergio Erapa, le jeune Président du club portois, mesure parfaitement que le discours qu’il aurait à prononcer devant le Ministre devait avoir une toute autre dimension. Il lui fallait être le relais d’un mouvement sportif réunionnais qui, aujourd’hui, s’interroge sur « les risques qu’il y a à voir les restrictions générales que connaissent les budgets de nos collectivités toucher de plein fouet son rayonnement ».
Il lui fallait également attirer l’attention de notre Secrétaire d’Etat (pour qu’il relaie plus haut) sur les possibilités « du CREPS de toujours jouer son rôle vis-à-vis de nos jeunes talentueux ».
Et puis qu’en sera-t-il demain des possibilités pour nos ligues et comités d’assurer les déplacements de leurs licenciés ? Cette question, on s’en doute, est un sujet de préoccupation majeure. Sergio se devait de s’en faire le relais, parce que le football n’est pas tout le sport et que les exploits de la Jeanne appartiennent à l’éphémère.
Enfin, le moment pouvait être de montrer à un Ministre de la République qu’en ces périodes de difficultés dues à une crise sans doute profonde car mondiale, le mouvement sportif réunionnais pouvait être prêt à prendre toute sa responsabilité en assumant « de manière pleine et entière la gestion de l’acte sportif, dans l’esprit même que l’a souhaité l’autre semaine le Président Sarkozy dans son discours à l’INSEP, à Paris ».
Tout était prêt pour que le Président de la Jeanne se mette au service du mouvement sportif de son pays.
Nous commîmes alors une grossière erreur. Nous crûmes qu’il fallait, au nom de la correction et du savoir-vivre, transmettre à l’entourage de Monsieur Yves Jégo le texte du discours de Sergio Erapa, un texte de deux pages dont la lecture aurait pris trois minutes tout au plus. Nous crûmes qu’en procédant de la sorte, le Ministre aurait pu contribuer à une part de la réflexion de tous sur un problème d’intérêt général et qu’il en aurait été fier.
Le protocole, sans doute sans même consulter le principal intéressé, décida que Sergio ne dirait qu’un mot de bienvenu, point barre.
Et comme nous sommes, comme ils disent, en République, le brave Sergio dut s’exécuter pour ne pas créer un toujours possible incident... disons diplomatique.
Il n’y eut donc pas d’incident. Seulement une grosse gêne et le lourd sentiment que, pour certains, le sport restera à tout jamais des jeux comme dans le temps...

R. Lauret