OMC : L’autre bonne question...

1er mars 2005

(Page 2)

Dans son éditorial de samedi dernier, Manuel Marchal posait la bonne question, au moment où Monsieur Peter Mandelson, commissaire européen au Commerce, vient d’entamer en Chine une démarche visant à obtenir des dirigeants de ce pays qu’ils réduisent leur part d’exportation de la production textile de 50% à 30%. "Pourquoi ceux qui ont mis en place l’O.M.C. appellent-ils maintenant un des États membres à ralentir ses exportations ?", ironisait Manuel.
Ce qui chagrine Bruxelles et l’O.M.C. n’est rien d’autre que la résultante logique de la brutale mondialisation du Commerce. Les grandes multinationales auraient voulu faire la démonstration que ce sont elles et leurs réseaux d’influence qui dictent à leurs États respectifs les orientations politiques à arrêter dans les domaines économique et social qu’elles ne s’en seraient pas pris autrement.
Ne passons pas quatre chemins : la puissance de la Chine - et de l’Inde dans une moindre mesure - dans bien des domaines de la production (et pas seulement le textile) n’a été possible (et en un temps record) que parce que des grands groupes européens ou américains, faisant passer leurs intérêts financiers avant ceux des populations, ont délocalisé dans toute la Chine. Que cette dernière ait sauté sur l’occasion pour se développer, créer de l’emploi et se tisser tout un plan de conquête des marchés extérieurs, faut-il s’en étonner ? Faut-il lui en vouloir ? Faut-il la rappeler à l’ordre ? À quel ordre et de quel droit ?
D’autant plus qu’il y a mieux, si l’on ose dire. Car après avoir, en plein accord tacite avec leurs États, délocalisé pour produire à moindre coût, les grands groupes financiers s’attachent aujourd’hui à parfaire les réseaux de distribution à l’échelle de toute la planète. Le journal “Le Monde” s’est penché sur la question tout récemment.
"Les grands groupes de produits de consommation courante, écrit le quotidien parisien, se livrent une bataille désormais planétaire."
C’est simple et on ne peut plus logique : après avoir délocalisé pour produire à moindre coût, les puissances financières cherchent à concentrer entre leurs mains quelques produits de grande consommation dans tous les coins de la planète.
Objectif : réaliser des économies d’échelles et peser de manière définitive sur les centrales d’achats et les centres de distribution.
Il n’y a là, en fait, rien de bien nouveau. Dans une grande surface à Paris, à Anvers, Stockholm, Chicago ou Montréal, vous seriez étonné de retrouver à peu près les mêmes produits qu’à Shanghaï ou Rome...voire à La Réunion. Les mêmes produits, avec les mêmes présentations sur des rayonnages qui vous sont familiers, dans des magasins qui vous offrent les mêmes largeurs d’allées, les mêmes types de chariots et la même ambiance...
Ce qui vient de changer, c’est la brutale accélération d’un mouvement mis au point aux États-Unis. "Il s’agit, précise “Le Monde”, de concentrer ses forces sur une marque mondialement connue qui génère un maximum de chiffres d’affaires pour éviter de disperser les investissements. La publicité, la logistique et la recherche sont ainsi allouées avec plus d’efficacité."
On comprend mieux leur mondialisation qui tient en quelques mots clé : délocaliser, contrôler, inonder le monde entier de produits de grande consommation dans des lieux de distribution qui sont alimentés par des centrales d’achats concentrées, le tout étant accompagné par un programme soutenu de publicité, de logistique et de recherche du meilleur effet pour que triomphe la consommation du superflu. Et ça marche...
Faut-il dès lors s’étonner qu’ici et là, de plus en plus convaincus et de plus en plus nombreux, des groupes d’hommes et de femmes posent une autre bonne question : une autre mondialisation est-elle possible ?

R. Lauret


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus