Oui... grosso modo... oui, assurément

5 juillet 2005

(page 2)

Depuis vendredi dernier, Jean-Louis Rabou s’en est allé du “Quotidien” pour un tout autre destin. "Vers d’autres aventures", précise Bruno Geoffroy, le nouveau rédacteur en chef du journal qui, juridiquement, appartient à la “Société de presse de La Réunion” de Maximin Chane Ki Chune. "Avec lui et je ne sais plus quel philosophe, poursuit Bruno Geoffroy, nous avons appris qu’être libre, c’est souvent ramer à contre-courant. C’est avoir le réflexe salutaire de ne pas spontanément suivre le mouvement".
Il est vrai qu’en 1976 - année où Maximin Chane Ki Chune et son premier rédacteur en chef Didier Vangel, dans une maison que je connais bien, rencontraient à La Possession Paul Vergès pour lui confier leur idée prête à aboutir d’un projet bien révolutionnaire à l’époque -, il a fallu oser. Et “le Quotidien” ne manquait pas d’inspiration en confiant alors à notre paille en queue de légende, le soin de symboliser son ambition d’indépendance dans un paysage informatif où “Témoignages” était bien seul face à l’organisation officielle du conditionnement des idées.
Jean-Louis Rabou a-t-il su rester fidèle aux objectifs d’alors pour lesquels, ne l’oublions jamais, où a vu défiler dans les rues de Saint-Denis bien des démocrates, de tous les bords, quand l’audace agaçait et que mûrissait le besoin de casser les insolents ?
Oui... grosso modo... oui, assurément. Il y a eu, sous l’autorité rédactionnelle de Jean-Louis Rabou, de bons papiers, écrits par de remarquables journalistes. On pourrait en citer plusieurs. À titre d’exemple, j’ai cru normal, dans mes “Libres propos” du 15 juin dernier, j’ai cru normal d’associer - dans leurs capacités "d’irriguer d’humanisme leurs tâches de tous les jours" - un dirigeant sportif, un chef d’entreprise et Hervé Colin, journaliste au “Quotidien”.
Mais il y aurait cent autres exemples et bien d’autres noms à citer. Et puis je n’avoue rien en disant que je trouvais du talent, du grand talent aux petits éditoriaux de Jean-Louis Rabou. Chaque mot y a un sens. Ils savaient mettre le lecteur en appétit. C’était reconnu.
Oui... grosso modo... oui, grâce surtout à l’indépendance d’esprit d’excellentes plumes. Car il restera que, parfois... quelques fois, on a eu le fort sentiment que le Parti socialiste et Michel Vergoz y avaient leurs entrées quand il s’agissait pour eux de casser du Vergès. L’équilibre a-t-il alors été toujours respecté ?
Je pourrais bien en douter, moi qui, le 23 juin 1994, recevais un courrier de Jean-Louis Rabou, après un droit de réponse que j’avais demandé au “Quotidien”. Voici ce courrier :
"Monsieur
Que vous fassiez une affaire personnelle des articles de ...X... ne vous autorise pas à pratiquer la diffamation et l’insulte à son endroit. C’est pour cette raison, et parce que ...X... a mon entière confiance, que nous ne publierons pas votre télécopie en date du 22 juin dernier ("Prisonniers d’un même mouvement collectif ?").
Pour ce qui est de la “rumeur” et de la “lâcheté”, je vous renvoie à votre miroir et vos lectures. Avouez qu’il est fatigant de vous entendre dire et rabâcher qu’il n’y a de bon procès et de bons jugements que les vôtres et ceux de certains de vos amis.
En espérant vous lire une prochaine fois parce que je veux être moins lâche que vous ne l’êtes parfois
".
Ma réponse lui parvint le même jour.
"À l’attention de Monsieur Jean-Louis Rabou.
Libre à vous, Monsieur, de sélectionner vos insultés et vos diffamés. Libre à vous de considérer que, dans le doute mais du haut de votre chaire, vous pouvez malgré tout insinuer au conditionnel.
Libre à vous aussi de penser que, parce que mon parti vous fatigue, sur mon compte vous pouvez y aller !
J’ai, je crois, toujours entretenu avec vous et avec ...X... des rapports francs et signés. Cela tient au respect que j’ai pour la fonction de journaliste dont je n’ignore pas qu’elle n’est point facile et comporte sa part de risque. Cela tient aussi en ce que j’ai conscience que la fonction d’homme public que j’ai choisie m’oblige à fournir des explications.
Mais respect ne saurait signifier soumission, faiblesse ou “aplaventrerie”. Même si vous tirez à 30.000 exemplaires".

Depuis ce 23 juin, vous vous en doutez, je n’ai plus jamais eu à faire à Jean-Louis Rabou. Ce qui ne m’empêche pas de lui souhaiter bon vent.

R. Lauret


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus