Pour que reviennent les étoiles....

7 avril 2007

Vous lirez demain, c’est à dire en réalité mardi, le “libres propos” que m’a inspiré dans la nuit de jeudi à vendredi dernier une des dernières chroniques de Philippe Tesseron.
Ce matin, j’ai envie de vous proposer les cinq minutes de sérénité que j’ai partagées hier matin vendredi de Pâques, vers 8 heures, avec Paul Hoarau.
J’avais besoin de “retrouver” le nom civil de l’Abbé Pierre. J’appelais donc celui des Réunionnais que nous pouvons considérer comme un de nos compatriotes qui ont le mieux côtoyé le célèbre compagnon d’Emmaüs.
Preuve que Paul n’est « qu’un » humain : il eut un doute et me proposa qu’il « vérifie » avant de me rappeler. Trente secondes plus tard, au bout du fil, sa voix tranquille et rayonnante me rafraîchissait la mémoire.
Et puis, évidemment, Paul me causa un peu de l’Abbé, de “l’escapade” que tous deux effectuèrent un jour à l’île Maurice, escapade qui permit à notre ami de découvrir un trait particulier de la personnalité de l’homme à la canne et aux saintes mais terribles colères. Tout avait commencé à Lyon, là-bas où Henri Grouès est né le 5 août 1912.
C’était un soir de panne générale d’électricité sur l’ancienne capitale des Gaules, hier ville des canuts et aujourd’hui championne de France de la promotion du vélo comme moyen de déplacement urbain. Lyon est dans la plus totale des obscurités. L’Abbé Pierre, machinalement, quitte la chambre qu’il occupe dans sa congrégation. Ses pas le guident dans la rue, et puis vers la place d’un peu plus loin. Naturellement, il hisse son regard dans la recherche, jusqu’à la toucher, de « la peau du ciel », comme dirait mon pote Bernard Payet. Et alors... et là... il découvre une nuit remplie d’étoiles, de centaines, sans doute de milliers d’étoiles.
L’instant est contemplation et se prolonge tout au long du temps d’éternité dans lequel elle s’offre à ses yeux redevenus ceux d’un enfant.
Depuis cet instant, depuis ce commencement d’éternité je vous dis, Henri Grouès a appris à aimer les étoiles, à lire au livre de leur mystérieuse beauté, à les croquer comme on immortalise les sourires du gosse ou la larme qui perle au creux des yeux de la grand mère. Et à offrir à Pierre, l’Abbé, son bel itinéraire de vie.
Et Paul Hoarau de me confier que Gilbert Aubry aussi a vécu ces moments de dialogues amoureux entre l’Abbé et le ciel de la nuit, la cour de l’Evêché de Saint-Denis se prêtant à merveille au milieu de ses arbres séculaires au plus authentique des témoignages.
Paul avait quelques instants à m’accorder.
Depuis mon bureau, j’ai alors ouvert en sa page 37 un petit ouvrage que l’Abbé a un jour publié. Il parle « d’une nuit où », dit-il, « j’étais épuisé (et où) ce cri me vint ».
Et j’ai lu.
« Cités géantes où règnent les forts, où pleurent les inconnus... Cités folles suréquipées au cœur de mondes manquant de tout... Terres insérées qui n’êtes plus des terres... Lieux où l’homme ne sait plus ce qu’est l’homme. Qui vous rendra vos étoiles ? Toutes vos lueurs ensorcelées les ont tuées. Sachez parfois tout éteindre pour que revivent les étoiles... »
J’ai pensé qu’à l’autre bout du fil, mon ami Paul Hoarau pouvait être ému, lui qui me demanda alors où il pourrait trouver ce texte...
Dans “Dieu merci”, paru en octobre 1995 chez Bayard Editions, on y trouve «  cet élan vers la Rencontre  » auquel nous convie l’Abbé Pierre. Lequel, dans son testament à lire le jour de ses obsèques, dans une lettre à Dieu, confiait que « croyant, aimant, je ne peux être que ce “croyant quand même”, c’est à dire ne comprenant pas ».

Raymond Lauret


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