Quand un gros bateau se plante, est-ce seulement parce qu’à bord on dormait ?

9 août 2005

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Je prends volontiers le risque que l’on me dise que, cette fois, je fais comme ceux qui voient le mal partout et que j’exagère donc.
Dans ce qui vient de se passer à quelques dizaines de mètres du Barachois, là où l’océan vient de déposer ses flux sur les galets et le sable du littoral, je n’arrive pas à me satisfaire de l’affirmation titrée ici ou là et selon laquelle l’erreur a été humaine.
Le roulier “Thor Scan” naviguait tous feux allumés vers Duban, sur un trajet qui le mettait loin là-bas, à des miles et des miles de nos côtes. Ce bateau, ce n’est pas le dernier né de la série. C’est une bête qui connaît son chemin et dont l’équipement n’est pas de nature à créer des ennuis à son équipage de pilotes, de co-pilotes ou de mécaniciens. Les règles de la conduite sur les autoroutes de la mer sont strictes et sont connues de ceux et celles qui en ont fait leur profession.
Par ailleurs, un tel mastodonte coûte suffisamment cher et représente suffisamment de risques en cas de gros pépin que l’on n’arrive pas - que je n’arrive pas - à me laisser conter que tout le monde, en même temps, comme si de rien n’était, est allé se coucher... en prenant soin de couper le système d’alerte afin que, si jamais un objet inhabituel se pointait à l’horizon avec risque de catastrophe en haute mer, il y ait de la casse assurée puisque personne n’aurait rien entendu !
Et c’est ce qui s’est passé... Sauf que l’objet inhabituel, c’était une île de 2.500 kilomètres carrés, haute de 3.070 mètres et éclairée par la fée électricité d’une manière suffisante pour être visible de loin... Sauf aussi que sur tout bateau, il y a des cartes bathymétriques qui renseignent les équipages de la profondeur des océans et donc de l’existence d’une pente doucereuse certes, mais pente tout de même capable de faire parler de soi et d’attirer l’attention du monde sur les conditions de travail que connaissent les équipages de ces types de navires battants pavillons qui sonnent étrangement.
Une récente émission de Thalassa, celle justement qui concernait des îles de l’océan Indien, nous avait permis de voir les conditions dans lesquelles des pêcheurs de la région travaillaient. Cela ne devait être ni mieux ni pire du temps des galères où les esclaves faisaient route vers les terres où les attendaient leurs propriétaires...
Je prends, disais-je, le risque que l’on me dise que j’exagère. Car je me demande si l’esclavage moderne, ce n’est pas ça aussi, dans ces navires où les conditions de travail des hommes se mesurent à l’importance des bénéfices que se font les armateurs qui ont pignons sur rues dans les grandes capitales occidentales ? Je me le demande : et si ce sommeil général n’était pas, simplement, un geste de révolte ?
Oui, je le sais, j’exagère. J’ai exagéré. Ce n’est pas ainsi que les choses s’expliquent. Ce soir-là, au large de nos cités, les marins dormaient. À poings fermés... Tous...

R. Lauret


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