Quatre ouvriers portugais pour tenter une énorme diversion...

21 avril 2005

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Installé sur l’étroit plateau du cabinet d’imagerie médicale de la Clinique Jeanne d’Arc, la tête immobilisée par deux petits coussinets, le corps envahi par les tièdes volutes qu’a provoquées l’injection de 50 cc d’ispamiron iodée, je fixais le tomodensitomètre du scanner qui tournait autour de moi et d’où les tubes à rayons X filmaient tous les recoins de ma boîte crânienne. Son silencieux ronron me berçait jusqu’à m’emmener, par la pensée, auprès de ce copain d’ici qui, chaque matin, lorsqu’il prend place derrière son bureau, souffre au plus profond de sa chair quand il doit regarder le journal à la rédaction duquel il participe et pour lequel il ressent beaucoup de respect et d’attachement.
C’est que, et cela, mon copain, il le sait, ce journal, son journal, est imprimé sur du papier qui sort des papeteries des pays scandinaves, du Brésil ou d’Afrique du Sud. L’encre nécessaire est fabriquée dans les usines de Thourotte, dans l’Oise, près de Compiègne. Quant aux plaques offset, il faut aller les chercher en Italie, voire au Japon. Et pour finir, il y a ces foutues rotatives qu’il a fallu faire venir des USA ou encore de l’ex-R.D.A.! Tant et tant de millions d’euros injectés dans l’économie de ces pays qui, de tous les coins du monde, viennent imposer à celle de notre petite île, leur incontournable monopole ! Cela est insupportable... cela est pénible.
Et puis, rendu à des activités plus normales par l’opératrice de l’I.R.M., je peux sortir de mes pensées et reprendre la lecture du “Quotidien” de ce mercredi 20 où, en page 11, comme l’avait souligné avec délectation Benoît Ferrad le matin sur RFO Radio, Idriss Issa consacre sa plume au centre-ville du Port et aux ouvriers portugais qui y travaillent des pavés vietnamiens.
Ma première réaction est de me rappeler que j’avais suggéré à Manuel Marchal que “Témoignages” en parle, histoire de dégonfler toute tentative de certains d’en faire un parallèle avec les 150 ouvriers thaïlandais prévus par le groupe italien Ansaldo pour travailler de la soudure sur les chaudières de l’usine du Gol. Bon, on a manqué une bonne occasion de devancer le “Quotidien” alors que nous avions l’information.
Ceci dit, je comprends Manuel. Il y a un monde entre les deux situations.
Au Port, c’est une entreprise réunionnaise, la S.B.T.P.C., en concertation semble-t-il avec son comité d’entreprise et les syndicats, qui contacte un spécialiste français pour la pose de pavés spéciaux. Cela concerne quatre (4, pas 150... ce n’est tout à fait la même chose) ouvriers portugais. Mieux (ou pire, diraient certains !), la Mairie du Port, tout à fait consciente qu’il faut vite entrer dans l’esprit d’une Comité de vigilance pour l’emploi, a demandé à la SBTPC de mettre en place une session de formation d’ouvriers réunionnais à ce métier de poseur de pavés spéciaux. Cette session de formation n’est pas un vœu pieu : elle a déjà commencé et les instructeurs sont les spécialistes portugais. Quand il faudra, dans l’avenir, recommencer ce type d’opération, nous pourrons faire appel à des ouvriers réunionnais.
Reste la question des mille cent tonnes de pavés importés du Vietnam.
Mon ami Claude Berlie Caillat, à Saint-Joseph, travaille à vulgariser un matériau encore trop peu usité à La Réunion. Une autre entreprise, basée à Saint-Pierre, s’y est mise, à plus grande échelle et je me souviens que, pour le marché du Boulevard Sud, j’avais été amené à dire de manière appuyée qu’il fallait l’interroger.
Il est vrai qu’il faut gratter un peu sur cette question, et remercier Idriss Issa pour son article dont l’essentiel n’a rien à voir, en définitive, avec les quelques piques qu’il nous adresse et surtout avec les sous-entendus un tantinet démagos qu’il y avait dans la voix de M. Benoît Ferrand, à l’heure de sa revue de presse du matin, lorsque quatre ouvriers portugais étaient utilisés pour tenter une énorme diversion.

R. Lauret


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