Qui nous rendra nos étoiles ?

25 janvier 2007

Il serait bien dommage qu’une fois arrivé là-haut, l’Abbé Pierre se mette à croire qu’il doit cesser d’être l’effronté remueur de nos consciences d’humains et que, s’inclinant devant le Dieu créateur, il ne lui dise pas deux mots. Un coup de gueule, si vous préférez ! Osera-t-il ce droit que personne ici-bas n’oserait lui contester ?

Bien indirectement, j’en causais (façon de parler) avec Odile Thieblin que je rencontrais, il y a peu, alors que je distribuais l’agenda de la Région aux animateurs de radio Arc-en-ciel. « Un jour, m’avait-elle dit avec son légendaire sourire, j’aurais bien des choses à Lui dire quand, enfin, je Le verrai là-haut ». J’avais répondu : « Ah ! Non... pas seulement des choses ! Des tas de reproches aussi ! » Et on avait ri, sachant bien ce que nous sommes et n’ignorant pas la grande insignifiance de nos grandes œuvres...

L’Abbé Pierre aimait raconter l’histoire du paysan qui chaque soir, après sa journée de travail, entrait sans faire de bruit dans l’église du village et y restait longtemps dans un coin, retiré, à l’abri d’autres regards. « Mon ami, lui demanda un jour le curé, que faites-vous là quand vous restez si longtemps ? Et le paysan d’expliquer : « Oh ! Monsieur le curé, je L ’avise et Il m’avise... »

L’heure n’est plus aujourd’hui, pour l’Abbé Pierre, d’aviser pour être en retour avisé. Il appartient désormais au monde de ceux qui ne seront jamais morts. Et si le “JIR” de ce 24 janvier a pu titrer qu’il nous laisse « un héritage encombrant », c’est sans doute parce l’Abbé Pierre nous invite à nous demander s’il y a une seule bonne raison de ne pas prendre nous aussi notre part de l’encombrant héritage qu’il se découvrit un jour, « une nuit, écrit-il, où j’était épuisé (et où) ce cri me vint » :
Cités géantes où règnent les forts, où pleurent les inconnus...
Cités folles, suréquipées, au cœur de mondes manquant de tout, terres insensées qui n’êtes plus de terres...
Lieux où l’homme ne sait plus ce qu’est l’homme.
Qui vous rendra vos étoiles ?
Toutes vos lueurs ensorcelées les ont tuées.
Sachez parfois tout éteindre pour que revivent les étoiles... »

Alors ! Après nous avoir ainsi crié, la moindre des choses ne serait-il pas qu’une fois arrivé là-haut, s’inclinant devant le Dieu créateur, l’Abbé Pierre demeure l’effronté remueur de conscience qu’il a été sur Terre et qu’il Lui dise bien deux mots. A sa manière... A la manière à laquelle il nous a habitués !

Raymond Lauret


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