Rémy Pagot

11 février 2006

J’ai connu Rémy Pagot au début des années 1990. Lui était à la tête d’Havas Réunion et avait donc en charge les importantes activités des agences de voyages et de publicité de ce groupe qui lancera Canal Plus dans notre île. J’étais, pour ma part, l’Agent Général de la compagnie de navigation aérienne A.O.M.. J’ai donc eu à apprécier les qualités de visionnaire de cet homme qui imposait par sa stature, son verbe rempli de bon sens et sa capacité à simplifier la relation qu’il avait à entretenir, entre autres, avec ceux qui débutaient dans la vie. Je débutais dans un domaine pour lequel je n’avais reçu aucune formation ni n’avais de dispositions particulières. Je l’ai donc grandement apprécié. Nous nous sommes bien battus je crois, pour que l’idée de René Micaud - une compagnie aérienne de qualité qui perdure à La Réunion, à côté d’Air France - s’impose dans l’esprit des uns et des autres, fasse son chemin et ouvre un jour les portes d’une desserte aérienne diversifiée. Bien sûr, les affaires étant les affaires, nous eûmes nos heurts, pareils à ceux qui sont le quotidien de tous ceux qui ont à veiller à ce que les chiffres d’affaires dont ils ont la responsabilité se situent toujours au-dessus de la ligne de flottaison en dessous de laquelle le plongeon s’appelle dépôt de bilan. Mais, nous mîmes un point d’honneur à constamment situer nos “bagarres” sur le ring de la loyauté et de l’amitié. Et de l’originalité.
J’ai gardé précieusement une correspondance à trois que nous nous échangeâmes, René Micaud, Rémy Pagot et moi, un jour de malentendu commercial. J’avais choisi, comme j’aime parfois le faire pour des correspondances pourtant officielles que les responsables du courrier doivent donc enregistrer, la forme de l’alexandrin pour dire “son fait” au patron d’Havas. Celui-ci, Rémy Pagot donc, sut se révéler un redoutable rimailleur et me renvoyer dans mes cordes par une lettre en retour en alexandrins bien sentis, s’il vous plaît. Je vous en livre ici quelques-uns :
"... Il est d’autre promesse que je ne peux citer,
La parole s’envole et vous l’avez prouvé,
Mais l’écrit, s’il est sûr, peut parfois être lu
Par d’autres que celui pour qui on l’a voulu.
Pourquoi ne pas avoir parlé de Malaisie
Et avoir réservé ce point d’information
À l’autre prétendant ? Pourquoi la rétention
Vis-à-vis de l’un d’eux ? Est-ce une fantaisie ?...”
Hier, sa famille, ses proches et ses amis ont accompagné Rémy Pagot jusqu’aux portes de l’éternité qu’il a rejointe après 71 années d’une vie faite de travail, d’amitié et de choses réussies. De souvenirs aussi, de ces souvenirs qui appartiennent aux nombreuses personnes qui en ont retiré bien des leçons de vie...
Hier, au fond de la salle de recueillement du centre funéraire de Prima, je repensais aux autres lignes sur lesquelles il avait terminé son si particulier courrier que nous sommes sans doute deux à avoir conservé. Il me dit, sur un ton que je sentis contrarié :
"Il me fallait deux jours, ultime discussion,
À vous pour définir les justes conditions :
Un rapport à Paris et puis un protocole
Aidé en tout cela par un maître d’école...
Je suis un peu déçu, mais n’ai pas de rancune
En espérant qu’un jour, unissant nos efforts,
Tant comme Cyrano, en prenant notre essor,
Nous vendrons des billets pour aller sur la lune".
C’était ça aussi, Rémy Pagot. Salut l’ami...

R. Lauret


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