Rue Malartic, sous le regard des droits de l’Homme et du citoyen...

25 avril 2005

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Il y a maintenant quelques semaines, le parquet de Saint-Denis a confié à la brigade financière de la Police nationale une (nouvelle) enquête sur la gestion des 14 millions de francs que la SARL “Évasion”, aujourd’hui liquidée, avait empruntés en 1987 à une banque suisse. Ce prêt visait, selon ses dirigeants d’alors, à permettre à “Évasion” de se consolider et de la préparer, ainsi que les agences de voyages du groupe “Riss” dans lesquelles elle était majoritaire, à réussir, dans l’île, le décollage d’une nouvelle compagnie de navigation aérienne, A.O.M.
Il faut se rappeler qu’à cette époque, Air France était l’unique transporteur à offrir aux Réunionnais une liaison régulière avec la métropole. Ce monopole pouvait être considéré comme devant être, tôt ou tard, cassé.
Le prêt de 14 millions accordé par la banque suisse était conditionné par la garantie d’une collectivité, selon les règles bancaires de là-bas. Un rapport établi par un cabinet d’expertise comptable anglo-saxon démontrait que les commissions qu’“Évasion” aurait perçues sur les billets vendus à La Réunion permettraient très largement de rembourser les échéances du prêt. Par ailleurs, les sociétés du groupe “Riss-Evasion” dirigé par René Micaud avaient une belle notoriété dans notre île. Ces deux données ont sans doute incité le SIVOMR à donner sa caution, après toutefois l’aval du Parquet général de La Réunion, au motif que la banque en cause était étrangère et qu’elle exigeait qu’en cas de litige, ce sont les tribunaux suisses qui seraient compétents.
Que s’est-il passé par la suite ?
Dans le “JIR” du 28 juin 2002, Florent Corée résume les choses, non sans une froide cruauté et en 3 phrases : “A l’époque, écrit-il, le SIVOMR ne trouve rien à redire et valide cette clause. Mais, très vite, les difficultés commencent. Deux ans à peine après le déblocage des fonds, Évasion Réunion est liquidée, sans que l’on sache vainement où est passé l’argent.”
Plutôt que d’être obligé de rembourser le prêt qu’il a cautionné sans qu’on ait commencé la desserte régulière de notre île, en accord avec René Micaud qui, à Paris, dirige la société A.O.M., le SIVOMR propose à l’association VLR dont je suis Président, de s’engager. L’enjeu est de taille : AOM est quasiment prête pour assurer une liaison quotidienne entre La Réunion et Paris ; une gestion stricte des recettes d’agent général pour l’île dont René Micaud est prêt à nous accorder le contrat pour une durée exceptionnelle de 10 ans, permettrait, d’une part, de faire face au remboursement du prêt aux lieu et place d’“Évasion”, libérant ainsi le SIVOMR et, d’autre part, de dégager suffisamment de moyens pour réussir la politique touristique du Syndicat intercommunal.
Le challenge est difficile, surtout si l’on doit découvrir le métier. Mais après la lamentable gabegie d’ “Évasion”, y a-t-il vraiment un autre choix ? C’est devenu une histoire de confiance.
J’accepte donc. Non pas par goût du défi, mais bien parce que la situation ne souffre plus que l’on tergiverse et parce que l’enjeu est éminemment politique, dans sa pleine dimension économique et sociale.
Nous avons beaucoup bossé. Beaucoup appris dans un monde, celui des affaires, qui est fait des grandeurs, des servitudes et des affres d’un milieu auquel il m’est difficile de m’habituer. Ce sont des matinées entières au Tribunal de Commerce, parce que chaque jour vous apporte son paquet de surprises. Ce sont les enquêtes policières parce la suspicion, parfois compréhensible, souvent malveillante, est omniprésente. Ce sont des pièges, toujours grossiers, qu’il faut déjouer. Ce furent un jour, à la même heure, deux perquisitions, l’une à mon bureau, l’autre à mon domicile, pour chercher - et évidemment ne pas trouver - ce qui aurait déshonoré mon parti et ses dirigeants et dont des adversaires politiques nourrissaient leurs phantasmes. Tout cela nous a aguerri.
Puis tout est allé vite.
Car, évidemment, un jour tout s’arrêta, alors même que nous étions en train de réussir. À Paris, René Micaud “vend” ses parts et va trouver ailleurs son bonheur. AOM est devenue la propriété d’autres. Nous ne sommes plus rien. Le SIVOMR doit assumer sa responsabilité en caution jusqu’au jour où le Préfet, M. Pommiès, est informé que le fameux prêt de 14 millions n’a pas respecté à l’origine toutes les règles de l’art. Ce prêt, selon le droit français, est nul. Conséquence : il n’y a plus de caution du SIVOMR, lequel n’a plus à payer quoique ce soit !
La banque suisse attaque le SIVOMR et perd son procès. Comme on n’est plus à une anomalie près, ladite banque me fait alors à moi un procès comme si j’avais un quelconque engagement vis-à-vis d’elle. Je n’arrive pas à prendre ses arguments au sérieux. Même si David Hoarau, mon avocat, me dit que “la” menace lui a été un jour lancée, un peu comme si un tiers soufflait ce qu’il faudrait faire... J’attends et je m’interroge.
Serait-ce la raison pour laquelle la Brigade financière m’a informé - très courtoisement, je le souligne - vouloir m’entendre ce lundi 25 ? Je n’ose croire.
Et si le parquet avait plutôt des éléments nouveaux concernant ce fameux prêt consenti à “Évasion”, les conditions dans lesquelles il a été obtenu et ensuite dilapidé, les noms des malfrats ?
Je le saurai tout à l’heure lorsque je serai dans cet Hôtel de Police que l’architecte Jean-François Delcourt a réalisé rue Malartic à Saint-Denis, sous le regard des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789, et que je ne dérogerai pas à la règle que je me suis toujours imposée : accepter d’expliquer, voire même de m’expliquer, puisque je suis un homme politique.
Car je suis un homme, disponible pour tous les actes citoyens, respectueux de ceux qui font un travail dont notre société a besoin pour son équilibre. Et j’en ai rencontrés de ces policiers que l’on salue volontiers pour leur valeur. J’expliquerai donc, une fois encore.

R. Lauret


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