Serons-nous toujours dans la République des cumulards ?

23 janvier 2012

Lorsqu’une personne choisit de se mettre en grève de la faim pour apporter son soutien à ses compatriotes alors qu’elle n’est personnellement absolument pas concernée par ce dont il s’agit, peu m’importent les tenants et aboutissants de l’affaire qui peuvent être bien plus complexes qu’on le croit. L’engagement individuel qui est fait de souffrance physique et qui met à l’épreuve la capacité de résistance et de sacrifice d’un individu dépasse, et de très loin, toutes les facettes juridico administratives qui entourent le problème à résoudre. Le mouvement de solidarité et de générosité qui s’exprime ici, à travers un élan personnel qui n’obéit nullement à nos logiques quotidiennes de réflexion et d’action, ce mouvement mérite d’être salué.
Ainsi en est-il de Carmen Allié et de Paul Junot , rejoints par Jules Bénard pour manifester leur appui à des anciennes de l’ARAST. Et je crois sans l’ombre d’un doute Carmen Allié quand, dans l’édition du “JIR” d’hier dimanche, elle déclare à la journaliste Nathalie Técher : « Contrairement à ce qu’on a pu raconter à mon sujet, je ne suis pas là poussée par une quelconque velléité de manipulation politique, mais en tant que simple citoyenne. Je suis dépouillée de toute étiquette. Mon unique but est de me battre aux côtés des plus faibles ». Oui, nous sommes ici dans une démarche citoyenne toute simple. Simple mais grande dans sa spontanéité et dans sa beauté et qui appelle à d’autres types d’élan pour d’autres démarches qui nous attendent.
Car, lorsque à quelques encablures de prochaines échéances électorales considérées comme importantes, une agence de notation vient jeter le trouble en considérant publiquement que la France n’a plus le statut de nation financièrement solide qu’on lui croyait et qu’en conséquence il nous faut désormais bien nous mettre dans la tête qu’il va falloir apprendre à réduire considérablement la voilure de certaines de nos dépenses si nous voulons que le pays se reconstruise une certaine crédibilité, qu’entend-on de la bouche de ceux qui sont concernés en première ligne ? Relisons les propos tenus ces jours derniers par certains de nos responsables politiques nationaux qui sont dans la majorité ou qui sont de l’opposition.
C’est par exemple François Fillon qui, tout en soulignant, s’agissant de la perte du AAA, qu’une « telle annonce ne doit être ni dramatisée, ni sous-estimée », insiste sur le fait qu’elle fait désormais aux uns et aux autres « obligation de mettre la France sur le chemin du redressement et de prendre les décisions qui engagent la réforme ». Comment ne pas être d’accord avec Monsieur le Premier Ministre ?
C’est encore Hervé Morin , Maire et député, qui, bien entendu, « en appelle à des mesures d’économies immédiates ». Bien sûr qu’on est d’accord.
C’est également François Bayrou , Député (et candidat qui monte dans les sondages des présidentielles), qui renvoie dos à dos l’UMP et le PS dans la perte du triple A et qui considère que « cela va obliger les responsables à regarder — enfin ! — la réalité en face et à cesser de raconter des histoires ». Mais c’est bien sûr !
C’est aussi François Hollande , le candidat socialiste et aujourd’hui menace déclarée pour Nicolas Sarkozy, qui lance un solennel appel à « redonner la confiance indispensable à la France » pendant que Jean-Luc Mélenchon, du Front de Gauche, prévient que « la colère populaire est immense… et que la cocotte-minute est entrain de bouillir ». Qui prétendra le contraire ?
Alors, quand c’est la situation de toute la France qui est en jeu avec les désastreuses conséquences pour notre jeunesse et pour ceux et celles qui appartiennent aux couches défavorisées et les plus pauvres, on est en droit de penser que les temps sont venus de demander à ceux et celles qui sont candidats à l’Élysée et, dans la foulée, à celles et ceux qui vont se présenter devant nous pour siéger au Palais Bourbon, s’ils vont continuer à se taire sur les privilèges souvent révoltants dont nombre de nos élus bénéficient le plus légalement du monde.
Pendant que nos collectivités vont manquer de moyens pour lancer des marchés et pour créer des emplois, c’est-à-dire pour faire face à leurs responsabilités, est-il acceptable que certaines personnes puissent cumuler les fonctions électives qui leur donnent droit à autant d’indemnités ? Qu’un maire considère qu’il est bon pour sa commune que lui-même et certains de ses adjoints soient également conseillers généraux, à la limite cela peut se comprendre. Mais si la double fonction autorise une double indemnité, cela n’est point acceptable. Est-il normal que les conseillers d’EPCI soient aussi nombreux et qu’ils soient encore rémunérés quand ils le sont en tant qu’élus de leurs communes respectives ? Est-ce moralement acceptable qu’un député (ac)cumule salaire de parlementaire et indemnités de maire et de délégué communautaire ? Est-ce moral qu’un Ministre de la République soit également élu municipal ou conseiller de Paris, ce qui l’oblige à ne jamais rien y faire, sinon un acte de présence rapide lors des sessions ? L’hypocrisie de la règle de l’écrêtement au bénéfice d’un autre élu doit-elle être longtemps encore ignorée ? Tient-on à cacher ce qui se camoufle derrière ?
Il fut un temps où, dans un parti politique que je connais bien, ce problème était réglé par le reversement par ses élus de tout ou partie de leurs indemnités. Cette règle relevait d’une discipline acceptée et que chacun s’imposait. Elle partait d’une attitude volontaire que dictait à chacun son sens de la solidarité. Je n’y insisterais pas. Je n’y insisterais plus, sinon pour dire que cela fut un temps.
Je souhaite que nous soyons quelques-uns, ici dans notre île, mais aussi en France, à poser à tous ceux qui seront demain candidats à la députation une simple question : vous engagez-vous, en cas de victoire, à proposer un projet de loi qui interdira, non pas le cumul des mandats, mais le cumul des indemnités ?
Pour ma part, je ne voterai plus jamais pour une personne qui, sur ce sujet, m’aura montré que, dans sa tête, l’accumulation des rentes électives est devenue un besoin maladif.

Raymond Lauret

ARAST

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Messages

  • Interdisons le cumul des mandats. Le cumul des indemnités sera de fait.
    Et puis, un peu de renouvellement politique fera le plus grand bien. Il y a beaucoup de femmes et d’hommes capables d’analyser, de comprendre, d’animer et honnêtes.
    J’ai beaucoup d’estime pour Mélenchon qui n’a qu’un mandat (député européen) et aussi un programme très clair sur les questions de pouvoir d’achat, des retraites, et la 6ième république..
    Tout le monde peut se tromper même lui (a voté Maastricht) mais reconnaît son erreur et il est le seul à dire qu’il faut sortir du traité de Lisbonne qui nous enferme dans un cancan libéral.
    C’est cohérent et j’attends la position du PCR pour le 1er tour des présidentielles.