Seulement des hommes, des vrais...

28 juin 2005

(page 2)

Comme beaucoup d’entre vous, je n’ai pas manqué Thalassa, vendredi dernier. Georges Pernoud avait choisi nos îles Mascareignes pour y balader ses caméras. Cela a donné un de ces films que j’aimerais bien avoir sous la main pour, de temps à autre, me ressourcer des vérités saines qui font la beauté et la richesse de la vie de ces personnes dont Philippe Santôt a dit dans un de ses plus beaux ouvrages qu’elles étaient des "gens de peu".
Glissons vite sur le cas de cette dame qui, pourtant, appartient à notre race à tous, la race humaine, et laissons la à ses nostalgies d’une époque révolue. Laissons la regretter les temps où, sept jours sur sept, elle pouvait avoir à son service des serviteurs pour la servir. Laissons la se féliciter que ses enfants n’aient pas “dénaturé” le nom que leur père leur a légué dans une mésalliance avec une personne d’une catégorie autre. On peut - je peux - seulement regretter qu’il semblerait qu’il y a encore des gens dans sa famille qui n’ont toujours pas évolué. Fasse le ciel que leur affligeant obscurantisme soit un jour secoué !
Oui, refermons vite la parenthèse pour nous replonger dans les images de grande émotion que Thalassa a ramenées de Rodrigues. Qui d’entre nous, maintenant, ne rêve pas de nous retrouver un jour au milieu de ce peuple que la modernité de la civilisation semble avoir épargné de ses turpitudes et des artifices ? Mon ami Jacques Lowinsky me parle souvent de ce petit caillou où tout reste encore bien authentique. Son épouse y est originaire. C’est sans doute la raison, ai-je cru, qui explique qu’il y va souvent. Jacques n’a jamais osé avouer à ses proches que là-bas il y a aussi le civet de zourites au vin blanc qui est l’une des savoureuses façons de préparer le somptueux céphalopode.
Dans un autre registre, on pourrait parler de ce qu’il nous fut donné de vivre quant aux méthodes d’un autre âge qui prévalent à bord d’un bateau de pêche mauricien. Nous n’y insisterons pas, préférant nous réjouir des moments de forte émotion que nous avons connus avec les images des pêcheurs de Vincendo.
Le Sud Sauvage connaît bien l’océan Indien et les mers australes, là où les quarantièmes rugissants déferlent par vagues qui se fracassent contre la falaise, dans leurs brutales réalités. Face à cette force qui nous ramène à ce que nous sommes, les pêcheurs du coin ne manquent pas de courage.
Leurs barques ? Victor Hugo dirait encore aujourd’hui que leur sort est de "partir joyeuses, pour des courses lointaines, avec tant de marins et tant de capitaines, où beaucoup périraient, dure et triste fortune, dans une mer sans fond, par une nuit sans lune."
Leur but ? Sortir, par la minuscule passe, par là même où, quelques poissons et des heures de silencieuses frayeurs plus tard, il leur faudra rentrer.
En fait, nous qui les regardons, nous avons peur pour eux. Eux qui savent qu’il ne peut rien leur arriver puisqu’il leur faut demain repartir, vivent ces moments forts de la connaissance qu’ils ont apprise de cette mer qui est leur univers.
Nulle nostalgie passéiste, ici. Nul obscurantisme affligeant, pas de serviteurs pour vous servir sept jours sur sept. Seulement des gens admirables et sereins, des hommes, des vrais...

R. Lauret


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