Toi, Paul Luigi...

8 décembre 2006

Aujourd’hui, tu ne liras pas ce numéro de notre journal. Pourtant, comme il le fait depuis bien longtemps maintenant, le facteur t’en a déposé un exemplaire dans ta boîte aux lettres. Tu étais notre fidèle abonné.
“Témoignages” était ton contact ouvert sur le monde, sur les travailleurs et vers ces mille idées qui te faisaient aimer la vie.
“Témoignages”, tu le lisais chaque jour, de la première à la dernière page, avec un temps particulier pour permettre que ton stylo remplisse les cases de la grille des mots croisés.
Tu ne liras plus ton journal. Et puis, tu ne me donneras plus, à chacune des visites que je te faisais, un de ces cigares dont tu aimais bien, il y a quelques années encore, la douce volupté. « C’est pour le camarade Paul », me disais-tu toujours, avec ton regard qui exprimait alors une affection admirative pour celui dont tu louais la grandeur du combat.
La bouteille de frais Chablis ou bien la tranche du jambon de ta Corse natale ou encore “L’internationale” que tu aimais chanter avec d’autres, le poing levé comme pour te rappeler ta jeunesse militante : je ne vais pas les oublier de sitôt, et le joyeux arôme du verre que nous buvions, et aussi le fumet du jambon que tu avais toi-même coupé en épaisses tranches et encore le frisson qui me montait aux yeux à t’écouter magnifier les luttes de toujours.
Le 28 octobre 1977, c’était il y a donc 29 ans, j’eus le bonheur de célébrer ton mariage à la mairie du Port. Ce jour-là, tu n’épousais pas seulement une des nôtres. Ce jour-là, tu épousais également notre île et tu adhérais à nos combats et à nos plus belles espérances. Et, tout naturellement, tu souhaitais vivre ici ta part d’éternité, lorsque le moment serait venu pour toi de quitter cette Terre...
Dans la nuit de ce mercredi 6 décembre, tu es parti, sans faire de bruit, comme tu l’avais imaginé : en tenant fortement la main de Thérèse ton épouse dans l’appartement dionysien où tu as vécu le dernier quart de ton existence.
Il y a un mois, nous fêtions comme il se doit et comme tu l’aimais tes 92 ans. Le Chablis était joyeux, ton jambon au goût expressif. Ce soir-là, après que le gâteau fut coupé, évidemment, avec les autres tu avais entonné “L’Internationale” d’une voix qui ne tremblait pas et qui réchauffait nos cœurs.
Je me rappelle être alors allé dans le petit boudoir de ton mignon appartement de la tour Mazagran, là même où sont rangés tes précieux cigares. Sur les murs, soigneusement disposés, les hommages de la Nation, au soldat que tu fus mais aussi au travailleur qui n’a pas ménagé sa peine et son intelligence. Et puis ces photos et ces tableaux qui disent combien tu avais le sens de la famille et combien ton cœur, après avoir aimé la Corse et sans jamais la renier, s’était mis à aussi adopter La Réunion.
Hier soir, jeudi 7 décembre 2006, nous t’avons conduit en ta dernière demeure, dans un petit coin de Prima où, à côtés d’autres fils de notre île, tu reposes désormais..., toi, Paul Luigi, né le 31 octobre 1914 à Santa Réparata Di Moriani, dans un autre bout de la Terre, là-bas en Haute Corse..., toi Paul Luigi, venu ici parce que tel était ton destin.

Raymond Lauret


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