Travailler plus : au détriment de quoi ?

8 juin 2007

Il est juste que, du mot d’ordre entendu et rabâché ces derniers temps et selon lequel il suffit de « travailler plus pour gagner plus » , la “une” de “Témoignages” d’hier en fasse tout d’abord une interrogation, réponde ensuite qu’il s’agit là d’une « grande illusion » et enfin rajoute que « pouvoir travailler serait déjà pas si mal !... »
Ecartons - même si le raisonnement est loin d’être inintéressant - les théories de l’économiste Alan B. Krueger et du psychologue Daniel Kahneman selon lesquelles « les gens qui ont un revenu au-dessus de la moyenne (se disant) un peu plus satisfaits de leur vie mais sont à peine plus heureux que les autres..., et ayant tendance à être plus tendus et ne passant pas plus de temps dans des activités particulièrement agréables... », travailler plus permet certes de gagner davantage mais n’apporte pas plus de bonheur. Ces deux intellectuels auscultent ici un pan des sociétés occidentales aisées dont les salariés sont à la recherche de plus de loisirs parce qu’ils ont donc pu régler leurs problèmes matériels.
Il est connu que, quand on a déjà beaucoup, on aspire à avoir encore plus. « Pour faire quoi ? », répondent Krueger et Kahneman, sinon pour s’encombrer de soucis d’une vie consacrée, non pas à se détendre mais à amasser du fric !
Et Georges-Marie Lépinay ne dit pas autre chose quand il lance que, s’agissant de notre île, « travailler plus pour gagner plus, c’est un attrape-couillon »... en plus du fait qu’il s’agit là, écrit-il encore, « surtout et avant tout d’une machine à démanteler le droit social français ».
Dans notre île au chômage structurel fort, la proposition que fit le candidat Sarkozy, si elle était appliquée, tournerait totalement le dos à une opinion bien réunionnaise telle que la résume la Commission diocésaine « Justice et Paix », sous la signature de son Président, Monseigneur Gilbert Aubry et de son secrétaire Philippe Jean-Pierre : « Il y a toute une démarche indispensable d’écoute, de mise en relation, d’études, d’analyse et de synthèse pour renforcer la cohésion vitale de l’ensemble, chercher les meilleures conditions d’un développement économique, organiser une prospective permettant une vision d’avenir » .
Aujourd’hui que le candidat Sarkozy est à l’Elysée pour une période minimale de cinq ans, il s’agit pour nous d’adopter plus que jamais une démarche qui relève, toujours selon « Justice et Paix », de « la nécessité vitale de se concerter pour porter, chacun à sa manière et tous ensemble, les grands dossiers de La Réunion ».
A ce Président de la République qui a dit qu’il faut s’engager dans une politique de rupture et qui entend être l’animateur en chef de chacun des ministères de son gouvernement, il faut comme interlocuteurs réunionnais des élus qui ont fait la preuve de leur capacité à se faire entendre quels que soient les responsables nationaux en place et à être considérés comme des interlocuteurs conséquents, parce que leurs propositions mûrement réfléchies s’inscrivent dans le sens de l’intérêt général et en faveur du développement durable.
« Il n’y a pas de bonheur personnel ou familial si nous ne recherchons pas une cohésion sociale », écrivent encore Gilbert Aubry et Philippe Jean-Pierre pour qui cette cohésion « résultera des efforts des personnes et des groupes pour se construire, s’accomplir en tenant compte des aspirations, des besoins et des demandes des uns et des autres ». Les deux responsables de « Justice et Paix » n’ont tout naturellement pas osé préciser qu’ils sourient, sans doute par charité (et comme on les comprend !), devant la démagogie et le populisme dont s’imprègnent ces candidats qui s’engagent sans rire sur tout ce qui leur passe par la tête, ce qui aboutit à promettre la lune à l’électorat. Je l’avais bien compris, cela va sans dire. Mais cela va bien mieux en le disant.
Et dans notre île, il importe plus que jamais de se demander à quoi aboutirait l’application du fameux « travailler plus »...

Raymond Lauret


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