L’aller sans retour du “kwassa-kwassa”...

Urgence d’une politique de co-développement régional

23 novembre 2004

(Page 2)

Faut-il sourire des quelques bribes d’étonnement que contiennent les articles que, régulièrement, nos journaux consacrent aux tentatives d’entrées clandestines de ressortissants comoriens en terre de Mayotte ?

Ainsi, la semaine dernière, on évoquait "une embarcation qui se révélait être de type “kwassa-kwassa”, comme d’habitude lourdement chargée, au risque de se retourner en cas de mauvaise mer". Cela concernait 30 personnes, dont 4 femmes et 7 enfants, dont l’article précise (comme si cela n’allait pas de soi !) "qu’ils étaient sans marque de nationalité, sans équipement de sécurité, sans papier, sans eau ni aliment..."

Comment se fait-il que des citoyens d’un pays, sans doute poussés par le désespoir d’un environnement sans perspective sinon la famine, se laissent séduire par des passeurs sans scrupules et qui leur font payer très chèrement un voyage au but incertain ?
Mais, une fois cette exclamation indignée portée à la connaissance de l’opinion, que nous reste-t-il à faire ?
Lorsqu’il y a un peu moins de deux mois, Hervé Gaymard, le ministre français de la Pêche, était de passage dans notre île, il avait été sensibilisé par les responsables du Conseil régional sur l’état de la capture des thons et espadons dans tout l’océan Indien.
Nous lui avions présenté une carte-document de l’I.F.R.E.M.E.R. qui illustre de manière on ne peut plus claire notre réalité : plus de 95% des ressources pélagiques de l’océan Indien sont prélevées par les armements de Taïwan ou d’autres pays de l’Asie du Sud-Est.
La flotte battant pavillon français ne capture que moins de 0,10% (oui, vous avez bien lu : moins de 0,10%) des thons et espadons pêchés dans tout notre environnement maritime.
Tout concourt à montrer que les accords que des pays tels que les Comores ont avec les puissances en cause ne servent pas - loin s’en faut - une politique de co-développement durable dont les populations de ces États pauvres pourraient tirer profit.
Ces accords servent des "intérêts" très, (très) privés et très, (très) particuliers, et non ceux des habitants des États qui se laissent piller, sans doute en pleine ignorance ou en totale inconscience - ce qui ne saurait constituer des circonstances atténuantes !
La coopération régionale, dans le sens du co-développement durable, doit pouvoir s’emparer de certains dossiers et, sortant de la vision égoïste qui a trop longtemps prévalu, offrir à nos voisins pauvres des raisons de croire en un avenir meilleur.
Alors, peut-être, ne verrons-nous plus les passeurs sans scrupules offrir leur vie et celles de leurs victimes aux flots d’une mer qui laisse peu de chance à ceux qui n’en ont pas et qui croient qu’ils ne risquent finalement pas grand chose en prenant le “kwassa-kwassa” pour un aller sans retour.

Raymond Lauret


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