1ère Rencontre de la jeunesse réunionnaise

La vie politique et l’engagement de la jeunesse

• Naren Mayandy

16 décembre 2009

Lors de la 1ère rencontre de la jeunesse réunionnaise du 6 janvier à la Possession, Naren Mayandi a parlé de l’implication de la jeunesse dans la vie politique. Voici son intervention.

« Lors de la dernière rencontre entre les organisateurs de cette journée et le groupe de jeunes de la ville du Port dont je fais partie, il m’a été demandé de choisir un sujet parmi plusieurs thématiques : le logement, l’emploi, la formation, la culture, le transport, le développement durable...
Après concertation avec mes camarades, j’ai alors choisi de vous parler d’un sujet qui m’anime, me passionne, me tiens à cœur et dans lequel je construis mon quotidien, qui est la vie politique et principalement celui de l’engagement de la jeunesse.

Actuellement, il y a dans le discours que tient notre société autour de l’engagement des jeunes un véritable paradoxe. D’un côté, le discours sur les jeunes qui ne veulent plus militer, qui ne s’engagent plus, qui refusent de prendre des responsabilités dans les associations, et de l’autre, incontestablement, une forte mobilisation des jeunes autour des sujets les plus variés, nous avons aujourd’hui un exemple de mobilisation de la jeunesse dans cette salle de l’Etoile du Nord.

« … être acteurs et non plus spectateurs de leur avenir… »

Certains jeunes restent hostiles à toute initiative, d’autres, en revanche, décident d’être acteurs et non plus spectateurs de leur avenir et prennent les choses en main, ils s’engagent alors comme militants dans un parti ou une association.
Nous essaierons de voir ici quels sont les facteurs qui poussent les jeunes à s’investir en politique, et à quelles échelles ?
Les sondages donnent tous des résultats convergents, mettant en évidence la désaffection des jeunes par rapport aux formes classiques de l’engagement et en particulier à l’engagement politique. Pour la tranche des 13-17 ans, 85% des jeunes interrogés s’intéressent peu ou ne s’intéressent pas à la politique, 78% ne parlent jamais de politique en famille, 43% ne se situent ni à Droite, ni à Gauche et 23% refusent de se placer sur une échelle de classement politique, 59% pensent que les hommes politiques disent tous la même chose et 82% qu’en tout état de cause, les politiques ne sont pas à l’écoute des jeunes. Seulement 16% envisagent de se mobiliser dans une association et 6% d’adhérer à un parti. On notera cependant que, parallèlement, 72% des jeunes pensent qu’il est utile de voter et que, quand même, 40% pensent que le droit de vote est approprié pour permettre des changements positifs.

En fait, les jeunes sont aujourd’hui à la fois intéressés et désintéressés par la politique comme bon nombre de citoyens.
La jeunesse est en fait confrontée à un double impératif : s’identifier à ses aînés et innover. C’est donc via la tension entre héritage et expérimentation que se construit le rapport des jeunes à la politique.

De plus, ils rencontrent la politique dans un contexte assez différent de celui de leurs parents car les clivages idéologiques sont aujourd’hui en partie brouillés. En effet, les oppositions Gauche-Droite ou socialisme-libéralisme ne sont plus du tout évidentes. La mondialisation ainsi que la question sociale sont des enjeux politiques importants qui ne pouvaient qu’influer sur le comportement électoral de la jeunesse.

« … le jeune doit s’approprier l’espace dans lequel il vit… »

Concernant le niveau d’action politique, le plus polarisant pour la majorité des jeunes Réunionnais reste l’échelle locale parce qu’elle représente le cadre de vie du quotidien. En effet, l’action concrète palpable constitue l’attrait du militantisme et celle-ci ne peut souvent se mener qu’au sein d’un quartier ou d’une commune. Dans la plupart des associations et partis, les contacts s’opèrent à travers la ville ou le département. Cette situation favorise l’établissement de liens plus directs, moins anonymes. L’engagement est reconnu à la fois par la famille, les amis et par l’entourage professionnel tout en étant basé sur un projet concret. Les jeunes militants se sentent alors exister à travers leur engagement et traitent de problèmes qui les touchent directement ou touchent des amis d’enfances et auxquels ils ont des solutions à apporter. Cette façon d’aborder la politique rassure la grande partie de la jeunesse qui tend à se méfier du milieu politique, où le pouvoir est quelque fois cautionné par des escroqueries et des arrangements occultes. En effet, un cadre plus restreint où l’information passe mieux rassure les jeunes qui savent plus précisément ce qui s’y passe. C’est d’ailleurs pour cette raison que les sections jeunes des partis s’attachent à militer à l’échelle du quartier ou ciblée sur l’université, les lycées, les centres commerciaux, les buvettes, le porte à porte et préconise les débats dans la rue. Tout est fait pour que les idées soient accessibles, et la politique abordable.
Mais afin de mener un engagement politique en phase avec son territoire, le jeune doit s’approprier l’espace dans lequel il vit. Pour cela, il doit rechercher, s’informer et s’instruire de ceux que les anciens Réunionnais ont faits et dans quelles conditions ils l’ont réalisés avant lui.

Il faut savoir qu’à partir de 1946, date représentant la fin du statut colonial, des luttes pour l’égalité des droits ont été menées par des travailleurs agricoles et d’usines, des dockers, des cheminots... qui provenaient pour la plupart du Sud de l’Inde, du Sud de la Chine, du Mozambique, des Comores et de Madagascar.
Ces luttes ont donné suite à l’émergence et au développement des mouvements affirmant ainsi une culture, une langue et une histoire réunionnaise.

« Ou sa nous sorte, ki sa li lé et ou sa nous sa va »

Nous devons être impérativement informés sur l’histoire de La Réunion. C’est un moyen de s’approprier son territoire et développer la notion d’espace vécu afin de pouvoir s’engager politiquement. Plus de 6 civilisations ont été et sont à l’œuvre dans l’édification de l’affirmation réunionnaise. Il nous faut tenir compte de l’imbrication et la rencontre entre ces 6 mondes, pour appréhender ce que sont les Réunionnais, ce qu’est l’âme identitaire réunionnaise. Nous devons être fiers de notre pays, fiers de nos ancêtres, fiers de la culture réunionnaise et fiers d’être Réunionnais.
En effet, la jeunesse réunionnaise doit savoir « ou sa nous sorte, ki sa li lé et ou sa nous sa va ». Cette phrase qui est la version créole du peintre Gauguin est une notion très forte et importante qui permettra à la jeunesse de s’identifier, de se positionner et de s’affirmer avec courage, audace et ambition.

Cette nouvelle donne crée de nouvelles responsabilités pour tous ceux qui sont en position de transmission d’un héritage. L’accompagnement des jeunes dans leurs expérimentations devient alors un enjeu décisif.

Pour conclure sur l’échelle d’implication de la jeunesse, comme je l’ai dis tout à l’heure, elle se contente d’agir à l’échelle du quartier. Mais actuellement, les jeunes devront prendre des résolutions et oser se développer avec les autres. Nous avons à La Réunion un système d’enseignement et de formation professionnel exemplaire. 45.000 jeunes Réunionnais seront dans les lycées avant la fin de cette décennie. Ils pourront ainsi répondre à la forte demande des pays voisins dans tous les domaines, de l’enseignement, de l’agriculture, de la construction, de la médecine. Ce rôle de transfert est une chance et la condition de notre développement, si nous intégrons le sens du co-développement. Il ne s’agit pas de se développer aux dépends des autres, mais de se développer avec les autres, sinon nous seront isolés et perdus.
Concernant l’échelle d’implication, il ne s’agira plus pour la jeunesse de se développer du quartier à la ville, mais du quartier vers le monde.

On peut aujourd’hui affirmer que les jeunes ont une conscience politique qui, si elle ne se manifeste pas comme celle de nos aînés, existe bel et bien.
Que ce soit dans les cités ou partout ailleurs, les jeunes veulent faire bouger les choses. Nos attentes ne se démarquent pas beaucoup de nos aînés quant aux choix politiques.

Le malaise se situe peut-être plutôt au niveau de la représentation politique. En effet, peu de politiques peuvent se déclarer faire partie de la jeunesse, et nous aimerions en avoir davantage. Et cela est d’autant plus vrai qu’il est rare de voir les candidats parler directement aux jeunes.
Mais la faute nous incombe aussi car nous bénéficions du droit de vote et nous devons faire l’effort de nous y intéresser davantage pour faire valoir notre citoyenneté.

On peut donc conclure en disant que nous, jeunes, même si ce n’est pas par la voix des urnes, nous feront toujours valoir notre conscience politique et notre mobilisation massive pour défendre la démocratie, et nous dirons aux politiques d’ici et d’ailleurs que « nous lé pas plis, nous lé pas moins, respect a nous ». »

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