Point de vue

Guy Garcia, CPE, se confie dans un entretien à Bienvenu H. Diogo sur les difficultés du métier

28 septembre 2011

Le corps des conseillers principaux d’éducation (CPE) est jeune, nous avons fêté récemment ses quarante ans. Il est issu de la disparition des surveillants généraux, mais en porte toujours le fantôme. D’ailleurs, l’esprit de la circulaire 82-482 du 28 août 1982 était de rompre avec cet héritage qui était affirmé dans la circulaire de 1972, facteur d’inertie dans la profession, privilégiant la discipline plutôt que l’éducatif.
Dans la circulaire de 1982, il est donc affirmé le rôle éducatif prépondérant du CPE à travers notamment le suivi individuel et collectif des élèves.
Mais cette impression de rupture définitive va être de courte durée et, sur toute la période des années 80, nous allons assister à des transformations sociales importantes :

- Mise en place réelle de la scolarisation massive de la population qui transforme en profondeur le rapport de tous les acteurs avec l’école (perte de sens pour beaucoup d’élèves, impression des personnels d’avoir à résoudre tous les problèmes sociaux, sentiment de mise en accusation des parents concernant leur prétendue démission, etc.). La création des ZEP, après une longue lutte du Sgen-CFDT, va permettre, sur certains territoires, de réduire ces phénomènes ;

- Consommation de masse qui s’installe et transforme le rapport au monde et au travail ;

- Le poids des médias change et transforme le rapport au savoir (concurrence de l’information avec l’école).

Tous ces facteurs ont eu des implications fortes sur la Vie scolaire dans les établissements.
Les conseillers principaux d’éducation ont dû s’adapter et ont logiquement investi le domaine pédagogique à travers la construction de projets innovants autour de la remédiation.
En privilégiant le travail avec les équipes pédagogiques, ils ont su s’investir dans des projets transversaux, à la croisée de l’éducatif, du pédagogique et de l’orientation.
Cette évolution sur le terrain sera partiellement actée par l’institution à travers la publication du décret de 89, impliquant officiellement le CPE dans l’évaluation des élèves et dans le conseil en orientation.
Cependant, ce bricolage sur les missions a été insuffisant par rapport aux attentes des CPE.
Rien n’a été affirmé concernant l’appartenance des CPE à l’équipe pédagogique.
En outre, avec l’enfermement systématique des CPE dans la gestion de l’absentéisme, c’est comme si on oubliait qu’ils ne sont pas de simples exécutants, mais des cadres A de la fonction publique capables de réflexion et ayant besoin d’une réelle reconnaissance de leur autonomie éducative, dans l’intérêt des élèves.
Les années 90 et 2000 vont être marquées par les conséquences du refus de repenser l’école de façon structurelle.
L’école construite sur un modèle sélectif, lié à la scolarisation de masse, ne va pas permettre de lui donner du sens. Par voie de conséquence, le décrochage scolaire, s’amplifiant, devient le problème majeur de l’école.

Cette dernière n’est plus vécue comme vecteur de réussite, mais comme génératrice d’exclusion. Tout cela ne va pas sans son cortège d’incivilités et de violences (petites ou grandes, banalisées ou exceptionnelles).
Le CPE va être au cœur de cette problématique. En médiateur, il tentera de retisser du lien entre les décrocheurs et l’école. Mais cela se fera en inventant encore les moyens de le faire, en entrant notamment de façon plus prégnante en pédagogie avec notamment des projets de remédiation. Le CPE est amené aussi à faire des propositions alternatives aux sanctions et surtout à permettre aux équipes pédagogiques de saisir l’élève dans sa globalité.
Cependant, si tout ceci est acté sur le terrain, le CPE doit toujours se battre pour le faire reconnaître, parce que cela ne fait pas partie de ses missions telles qu’elles sont définies dans la circulaire de 1982.
Ce que le métier de CPE a mis en évidence, c’est que l’acte éducatif n’est pas défini, une fois pour toutes, il s’invente en continu.
Le métier de CPE n’a pas cessé de se construire ces trente dernières années.
Aujourd’hui, la circulaire de 1982 ne permet pas au CPE d’investir l’ensemble des champs de compétences nécessaires à son action.

Le Sgen-CFDT n’a pas attendu que l’institution redéfinisse unilatéralement les missions des CPE (protocole d’inspection) pour parler d’évolution des missions :

- Pour que soit reconnue l’appartenance des CPE à l’équipe pédagogique sans que cela se résume à la présence du CPE au Conseil de classe (où on l’attend uniquement sur la question de l’absentéisme). Appartenance permettant la construction d’un projet Vie scolaire, partie intégrante du projet d’établissement et partagé par tous,

- Pour que le travail de médiation des CPE soit réellement accepté et reconnu,

- Pour que le CPE soit reconnu comme responsable de service et bénéficie de toute la part d’autonomie que doit lui permettre sa situation de cadre A de l’Éducation nationale.

- Pour que soit reconnue sa professionnalité (et non son expertise comme on a pu le lire) en matière d’éducation.

 Guy Garcia, CPE 


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